ENTORNOS, Vol. 31, No. 1, Junio 2018
La Révolution introuvable?1
Alain Renaud
Quelques difficultés très spécifiques
s'attachent à la tentative de suggérer dans quelle
mesure l'interprétation aronienne de Mai 68
peut rester une référence féconde. Bien que
cette interprétation se soit largement poursuivie
dans divers textes postérieurs à La Révolution
introuvable, et ce jusqu'aux Mémoires2, on
n'entend pas moins à considérer son sort pour
réglé dès l'été 1968, avec des pages qui, écrites ou
dictées « à chaud », furent lues ou parcourues le
plus souvent dans la même précipitation. Or La
Révolution introuvable constitue à sa manière une
sorte de livre maudit. Reçu dans des conditions
profondément prédéterminées depuis L'Opium
des intellectuels, l'essai fut plus fréquemment
vitupéré que véritablement lu et, aux yeux
de beaucoup, semble avoir définitivement
condamné son auteur pour (une fois n'est pas
coutume) flagrant délit de manque de lucidité
et d'incapacité à saisir la portée réelle d'un
moment d'histoire : comme le lui écrivait alors
avec amabilité A. Fabre-Luce, Aron aurait ainsi
rejoint clairement « le camp des mandarins et
des conservateurs »3. Il se trouve pourtant que,
dans le bilan de la crise de Mai dressé, quinze ans après, par les Mémoires, l'ordre rétabli après
les événements sera présenté comme différant
« en mieux de l'ordre ancien»4: de Mai, s'il en
fut le critique sévère et se reconnut comme
tel5, Aron dresse donc un bilan globalement
positif, quand bien même, à tort ou à raison, il
en enregistre, notamment pour ce qui concerne
le destin de l'Université, certains effets à
ses yeux irréparables. Signe sans doute que
l'interprétation esquissée « à chaud » (et non
démentie, dans ses grandes lignes, par les écrits
ultérieurs) n'était pas, malgré sa sévérité, malgré
ses injustices éventuelles, si intégralement
négative qu'à lire alors le livre (ou à ne pas le
lire), on a bien voulu le croire et le faire croire.
Aussi me semble-t-il qu'évaluer aujourd'hui
avec pondération la lecture aronienne de Mai,
c'est au fond essayer de clarifier en quel sens
une condamnation certaine des pratiques de
Mai et un jugement souvent accablant (parfois,
sans doute, jusqu'à l'excès) à l'égard des acteurs
ont pu ici coexister avec la reconnaissance
d'une positivité de Mai 68 comme moment
d'un processus de transformation de 1' «ordre
ancien».
Dans La Révolution introuvable, Aron interprète
la crise de Mai comme un «psychodrame», et
jusque dans les Mémoires on retrouve l'idée qu'il
s'est agi au fond d'un « carnaval»6 où, disait-il à
l'été 1968, «nous avons tous (...) joué un rôle»7.
Je ne reviendrai pas sur ce thème bien connu,
qui évidemment ne compta pas pour rien dans
l'exaspération suscitée par le livre. On verra
dans un instant ce qu'il pouvait véritablement
signifier. Je voudrais seulement noter qu'Aron
lui-même ne s'excepte pas de la distribution
des rôles ou de la répartition des masques :
«Je commence par moi-même, écrit-il dans La
Révolution introuvable, je vous l'ai dit, moi j'ai
joué le rôle de Tocqueville, ce qui ne va pas
sans quelque ridicule, mais d'autres ont joué
Saint-Just, Robespierre ou Lénine, ce qui, tous
comptes faits, était encore plus ridicule »8. Je
ne discuterai pas, bien sûr, ce jugement sur les
différents « rôles », ni je ne m'interrogerai sur le
talent plus ou moins grand avec lequel ils furent
tenus (il peut y avoir d'excellents acteurs dans
une mauvaise pièce, ou inversement !).
Je ne retiendrai que l'indication selon laquelle
Aron a choisi, dès les événements eux-mêmes,
de les lire à travers les yeux de Tocqueville, c'està-
dire d'appliquer à la « révolution de Mai » les
mêmes principes de lecture qui avaient été ceux de
Tocqueville aussi bien à l'égard des événements
de février 1848 que vis-à-vis de la grande
Révolution française : montrer que l'impression
de rupture ou de « brèche » introduite dans
l'histoire était une illusion et qu'en réalité la
séquence accomplissait une logique échappant
aux acteurs. C'est en effet à partir de cette
décision de jouer, dans le psychodrame de Mai,
le rôle de Tocqueville que se laissent dégager
le plus nettement, à mon sens, les principales
caractéristiques de l'interprétation aronienne.
Là se joue aussi, peut-être, ce qui en elle reste fécond, au-delà même du conjoncturel et de ses
humeurs. Voir les événements du point de vue
Tocqueville, cela signifie en effet, au minimum,
l'adoption méthodique d'un certain nombre
de présupposés, dont le premier engage donc
l'aveuglement des acteurs : « Je jouais le Tocqueville
du 25 février 1848 qui accusait d'aveuglement
son ami Ampère : vous ne comprenez rien, vous
trouvez grandiose le mouvement du peuple
de Paris (traduisez : vous jugez grandiose le
mouvement des étudiants), mais moi je vous
dis que de ce mouvement ne peut sortir que le
malheur, c'est-à-dire ou un régime de droite
renforcé, ou un gouvernement de style front
populaire dominé par le communisme. Ainsi
pensé-je depuis le premier jusqu'au dernier
jour de la crise, et l'événement aboutit, selon la
logique, à un gaullisme à la fois renforcé par sa
majorité et affaibli par la résistance d'une partie
du pays »9. La reprise du schème tocquevillien
(au sens où Tocqueville évoquait déjà, décrivant
la France d'avant 1789, les « petits personnages »
qui, « ministres étourdis », « courtisans cupides»
ou roi aux « vertus inutiles et dangereuses »,
« facilitent, souvent précipitent », à leur insu
et parfois contre leur gré, des « événements
immenses» où s'accomplit la nécessité
historique)10 a évidemment d'importantes
conséquences, dont la moindre n'est pas, comme
d'ailleurs chez Tocqueville, une grande sévérité
de ton à l'égard d'acteurs faisant l'histoire, diraiton
en un autre langage, sans savoir l'histoire
qu'ils font. De là, pour une large part, le caractère
irritant de La Révolution introuvable : ce que l'on
accepte aisément de Tocqueville se faisant, plus
d'un demi-siècle après la Révolution, l'historien
de l'Ancien Régime, on l'admet beaucoup moins
volontiers du spectateur de Mai se constituant
dès juillet 1968, à l'égard d'A. Peyrefitte ou
de D. Cohn-Bendit, en historien du présent.
Une telle réaction, aisément compréhensible, éclaire partiellement la difficile réception de La
Révolution introuvable, sans en être pour autant
légitimée : la dimension de sévérité à l'égard des
acteurs est ici inhérente au point de vue adopté,
qui dès lors devrait être discuté comme tel et à
travers les effets d'intelligibilité qu'il procure et
non à travers ses éventuels effets pervers sur les
susceptibilités des «combattants». C'est en tout
cas à ce postulat de l'aveuglement des acteurs qu'il
convient de rapporter les notions, si mal reçues,
de «psychodrame», de «comédie» ou «carnaval»:
on peut certes les estimer excessivement
désobligeantes et malencontreuses dans leur
forme11, mais elles participent clairement du
point de vue tocquevillien adopté12, puisque,
là où les sujets agissants ne sont que les acteurs
d'une intrigue tramée sans eux, les idées de
«rôles» et de «masques», donc de «psychodrame»
et de «carnaval», s'introduisent sans peine13.
Si l'on entend lire Mai 1968 avec les yeux de
Tocqueville, on présuppose également qu'il ne
saurait s'agir là d'une « révolution » au sens
d'une brisure dans la continuité historique:
contre les illusions des révolutionnaires,
Tocqueville avait rétabli la continuité entre
l'Ancien Régime et la Révolution, et de
même avait vu poindre, dans l'apparente
rupture antimonarchique de février 1848,
le renforcement bonapartiste de l'autorité
de l'Etat; face à Mai, Aron/Tocqueville va
récuser qu'il s'agisse d'autre chose que de l'accomplissement d'une logique échappant
aux acteurs : de là le thème d'une «révolution
introuvable», parfaitement antithétique de
l'interprétation de Mai comme «mouvement
révolutionnaire», défendue avec conviction
par C. Castoriadis, C. Lefort et E. Morin dans
La brèche, auxquels on serait alors tenté, du
point de vue d'Aron/Tocqueville, d'attribuer
dans le psychodrame le rôle d'Ampère14. Par
là s'explique aussi tout l'effort déployé par
Aron pour enlever à la crise son caractère
pathétique: loin de constituer la «fin d'une
civilisation»15 ou la «fin d'un monde»16, la
séquence, au risque de voir « rétrécir» sa
portée, devra être interprétée comme une
phase de régulation dans l'autodéveloppement
d'une société ce pour quoi aussi sera proposée
l'idée de psychodrame, entendue cette fois
moins dans sa dimension théâtrale que dans
sa portée curative ou thérapeutique17. Sans
doute cette dernière hypothèse (celle de Mai
comme défoulement ou comme « accès de
fièvre ») n'est-elle pas, dans les explications
que recherche Aron pendant l'été 1968, la plus
féconde ni la plus profonde18: elle intervient en
tout cas comme l'une des manières possibles
de mettre en le postulat de continuité tel
qu'il dissout le caractère véritablement
«révolutionnaire» de l'événement.
Le point de vue selon lequel les acteurs de
Mai ont joué un épisode dont la logique leur échappait impose enfin un dernier postulat,
quant à la nature même ou au contenu même de
cette logique19.
La Révolution introuvable esquisse à cet égard
deux niveaux d'hypothèses interprétatives, selon
qu'Aron se place au plan de l'histoire partielle
ou prochaine (celle de la Ve République) ou
au plan de l'histoire globale ou lointaine (celle
de la modernité) : 1 / Au niveau de l'histoire
prochaine, la logique identifiée est, on l'a entrevu
ci-dessus, celle d'un renforcement ambigu du
pouvoir gaulliste, comme «régime de droite
renforcé» (par sa majorité), mais « affaibli par
la résistance d'une partie du pays»: à l'évidence
prophétique moins d'un an avant l'échec du
référendum de 1969, ce premier diagnostic
continuiste ne confère cependant à l'événement
qu'une signification proprement « politicienne »
qui ne saurait à elle seule ni épuiser la diversité
des aspects de la crise (notamment ses aspects
culturels), ni désigner la logique ultime d'un
devenir historique irréductible à ce qu'en
exprime la succession des majorités politiques
2/ Il est donc heureux que l'interprétation se soit
complétée au niveau de l'histoire globale comprise
comme histoire de la modernité. Anticipant sur
ce qu'allait être l'avenir des «soixante-huitards»,
La Révolution introuvable suggère en effet que,
dans les cas les plus favorables, l'issue sera
trouvée, non pas dans l'adhésion à un «ordre
de remplacement» (projet politique, idéal
collectif), mais «par la démission, l'indifférence,
la fuite vers la résidence secondaire»20. A
l'horizon de la «révolution (introuvable) de
Mai» se profileraient donc la désertion du
politique, le repli sur la sphère privée, l'essor
d'un individualisme hédoniste neutralisant les
grands débats publics et chômant les valeurs du collectif. Là encore, le caractère prophétique de
l'interprétation apparaît comme singulièrement
saisissant et, dans une certaine mesure, il n'est
pas excessif de souligner qu'Aron esquisse
ainsi, dès l'été 1968, l'une des pistes reconnues
aujourd'hui, notamment à travers le livre de
G. Lipovetsky, parmi les plus fécondes dans la
recherche du sens de Mai. Et il n'est pas besoin
d'insister longuement sur la manière dont, ce
faisant, Aron assume jusqu'au bout le choix
d'un point de vue tocquevillien, puisqu'aussi
bien, comme il le montre lui-même dans sa
présentation de Tocqueville21, l'installation
du travail de l'individualisme au coeur de la
modernité démocratique constitue sans doute
l'apport le plus spécifique et le plus enrichissant
de Tocqueville à l'archéologie de notre présent.
J'ajoute que cette inscription de Mai 68 dans
la logique de l'individualisme démocratique
permet à l'analyse de prendre ici en compte,
parmi les composantes multiples de la période,
le climat intellectuel dominant: «L'intelligentsia
des années soixante, écrit Aron, avait pour
dieu, non plus le Sartre de l'après-guerre,
mais un mélange de Lévi-Strauss, Foucault,
Althusser et Lacan»22, dont les pensées et les
pratiques (théoriques) convergeaient (par-delà
tout ce qui les distinguait) vers la production
de deux types d'effets : elles contribuaient à
engendrer la conviction qu' «Il n'y a pas de
faits» (mais seulement des interprétations),
et donc à dissoudre la conviction raisonnable
selon laquelle « toute société est soumise à des
contraintes de fait, la nécessité de la production,
de l'organisation d'une hiérarchie technique, la
nécessité d'une technobureaucratie et ainsi de
suite»23: d'une telle dissolution des faits et de
leurs contraintes devait résulter progressivement
(outre la fascination pour l'utopie) la conviction
que tout se vaut et que, par exemple sur le plan éthico-juridique, Il n'est pas de normes qui se
doivent imposer au jeu du désir ; d'autre part,
à travers cette dissolution des normes, c'est un
néo-nihilisme qui se profile, minant d'autant
plus aisément l'ordre déjà fragilisé d'une société
fondée sur des normes souvent désuètes, en tout
cas «sans âme» : dans ce « refus d'un ordre sans
vision d'un ordre de remplacement », on tient
d'ailleurs sans doute aussi, suggère Aron, l’« une
des causes de la décomposition de Mai »24.
Je ne prétends évidemment pas que La
Révolution introuvable accomplisse pleinement
cette mise en relation, qui requiert d'être subtile
et nuancée, de la crise de Mai, comme destruction
des normes (« Il est interdit d'interdire »), avec
le travail critique accompli par la philosophie
française des « sixties » à l'égard d'une normativité
dénoncée comme répressive en tant que telle.
Pas plus qu'il y a un instant je n'estimais achevée
par R. Aron la lecture individualiste de Mai 68.
Il n'en demeure pas moins, je le répète, que des
pistes se trouvent là indiquées, qui interdisent de
considérer décidément La Révolution introuvable
comme le simple mouvement d'humeur d'un
«mandarin».
Ainsi se laissent mettre en place, à partir de
La Révolution introuvable, les principes d'une
interprétation de Mai 68 qui inscrirait la crise
dans la logique de la modernité démocratique
et individualiste. A jouer le rôle de Tocqueville
plutôt que celui, plus facile à assumer, d'Ampère,
R. Aron conduit, de fait, les futurs interprètes de
Mai à prendre en compte ce singulier paradoxe:
à travers un mouvement qui, en un sens, s'est
voulu antidémocratique (au sens où il a mis en
cause au moins la forme la plus généralement
moderne de l'idée démocratique, à savoir l'idée
de démocratie représentative), s'est déployée
la logique de la modernité démocratique comme cette égalisation des conditions dont
l'individualisme est indissolublement la cause
et l'effet. La critique peu responsable de l'idée
d'élection (« élection = trahison »)25 s'est en effet,
en Mai 68, aventurée sur des terrains où les bases
de la « légitimité démocratique » risquaient de se
voir sapées et où pouvait se produire ce que les
Mémoires nomment une « rupture de la légalité
républicaine»26. Face au risque d'une telle
«rupture», Aron n'hésite pas en 1968 à exprimer
un rejet quasiment physique, dont la radicalité
est sans doute elle aussi l'une des explications
du ton adopté par La Révolution introuvable et
de son absence de toute concession à l'égard
du mouvement: «Edgar Morin sympathise avec
la Commune estudiantine qui m'inspire une
répulsion immédiate : on ne discute pas des goûts
et des couleurs »27. Quinze ans après, le ton s'est
apaisé, mais ce qui était à son principe demeure :
« Une rupture de la légalité républicaine, dix ans
après le coup d'Etat légal de 1958, m'apparaissait
déplorable. Je n'étais certes pas un gaulliste
inconditionnel, mais la victoire de Cohn-Bendit
sur le général m'aurait blessé en profondeur».
Là sans doute, dans l'adhésion infrangible ou,
au contraire, dans le refus plus ou moins assumé
de la légitimité démocratique moderne (synthèse
démocratico-libérale, selon l'expression de
Démocratie et totalitarisme, ou, si l'on veut,
synthèse démocratico-républicaine, en tout cas
régime démocratique au sens de la démocratie
représentative des régimes constitutionnelspluralistes),
réside le fondement ultime des
positions parfois extrêmes prises vis-à-vis du
mouvement de Mai que ce soit sur le mode de la
« répulsion immédiate » (Aron) ou sur le mode
de l'enthousiasme débordant28. Si telle devait
apparaître la vérité ultime de ces prises de
position (en tout cas quand elles se sont réfléchies
et ont entrepris de se légitimer politiquement), resterait alors à évaluer ce qui, de part et d'autre
de cette ligne de partage, en résulte pour la
validité des deux types d'attitude.
Je me bornerai à deux remarques délibérément
succinctes : 1. Nul n'est à vrai dire absolument
forcé d'être convaincu que, face aux imperfections
manifestes de la démocratie représentative
des Modernes, les principes de la démocratie
grecque telle que Castoriadis y voit le modèle
d'une démocratie directe soient compatibles à la
fois avec les conditions de notre vision du monde
et avec les exigences minimales qui définissent
pour nous le respect de la personne humaine.
2. Même là où la «répulsion immédiate»
à l'encontre d'une éventuelle rupture de la
«légalité républicaine» a pu conduire à ne pas
toujours mesurer à leur juste prix certains
aspects d'un mouvement au demeurant très
hétérogène, il reste que la prise en compte de
la problématique de la démocratie moderne
(comme problématique de l'égalité) a pu ne pas
interdire, au terme de l'analyse d'un moment
paradoxalement antidémocratique de la logique
de la modernité démocratique, d'y voir une
étape d'un progrès vers un ordre différant «en
mieux de l'ordre ancien».
Sin lugar para el olvido.
1 Este texto hace parte del número monográfico de la revista Pouvoirs dedicado a Mayo del 68. París, noviembre de 1986, pp. 81-89. El editor agradece tanto a Anne Sastourné editora de Pouvoirs y al autor, profesor Alain Renaud, la autorización para reproducir el artículo y ponerlo a consideración de un público académico colombiano.
2 Cf. Mémoires, Julliard, 1983, p. 470-497. On consultera aussi Les désillusions du progrès, essai sur la dialectique de la modernité, Calmann-Lévy, 1969, Préface, p. XlX-XXIII ; Plaidoyer pour l'Europe décadente, R. Laffont, 1977, Troisième Partie, IX: «Mai 68, les universités, les étudiants» (Poche/Pluriel, 1978, p. 469-484).
3 Mémoires, p. 494.
4 Ibid., p. 496.
5 La Révolution introuvable, réflexions sur les événements de Mai, Fayard, 1968, p. 134 : « Je réclame le droit de n'être pas moins sévère à l'égard des événements de Mai 1968 que le socialiste Proudhon, le libéral Tocqueville et Karl Marx l'ont été à l'égard des imitateurs de la grande Révolution, les comédiens de 1848 ».
6 Mémoires, p. 479.
7 Révolution introuvable, p. 33.
8 Ibid. Aron a même cherché à mobiliser pour ainsi dire au sens propre le regard de Tocqueville, puisque, le 29 mai, un de ses premiers articles du Figaro consacré à la crise est en fait un montage de citations de Tocqueville sur février 1848 (repris in Révolution introuvable, p. 161-162). Voir aussi l'article du 10 juin (ibid., p. 167-169).
9 Ibid., p. 29. Cf. aussi la traduction méthodologique du présupposé, p. 115 : «Je n'accorde pas une grande importance, je vous l'ai dit, en période révolutionnaire, aux propos que tiennent les acteurs.»
10 Cité par R. Aron, Etapes de la pensée sociologique, Gallimard, « Tel », p. 250.
11 Cf. Aron lui-même, Révolution introuvable, p. 33 : «Je ne maintiens pas sans nuances cette expression» (de psychodrame, utilisée à Radio-Luxembourg, le 1er juin).
12 Encore participeraient-elles tout autant, pour des raisons analogues, de l'adoption d'un point de vue marxiste (cf. la remarque de Marx, au début du 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, selon laquelle « tous les grands événements historiques se répètent pour ainsi dire deux fois... la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce »).
13 Cf. aussi, à cet égard, le vocabulaire cinématographique utilisé in Révolution introuvable, p. 141 sqq. : film, séquence, scénario, rôle, etc.
14 Cf. par exemple C. Castoriadis (J.-M. Coudray), La brèche, p. 92 : le mouvement opère « l'affirmation révolutionnaire la plus radicale », procédant d'une volonté de « rupture radicale avec le monde capitaliste bureaucratique » et de « reconstitution révolutionnaire de la société ». Sur l’« irréductible opposition » entre La brèche et La Révolution introuvable, cf. Révolution introuvable, p. 12 sqq.
15 Révolution introuvable, p. 19 sqq. ; cf. aussi p. 44 sqq.
16 Ibid., p. 31 sqq.
17 Ibid., p. 47.
18 Dans les Mémoires (p. 479), elle n'est évoquée que brièvement, comme une perspective parmi beaucoup d'autres : « Cette soudaine diversion à l'ennui quotidien... »
19 Je ne reviens pas ici sur la question du statut aronien (ou tocquevillien) de cette logique. Pour des raisons qu'a thématisées dès 1938 l'Introduction à la philosophie de l'histoire, il est clair que la logique décelée est davantage un point de vue qu'une thèse sur la réalité en soi du devenir historique. Sur les conséquences de cette option théorique, cf. L. Ferry et A. Renaut, La Pensée 68, Gallimard, 1985, p. 93 sqq. (« Pour le pluralisme interprétatif»).
20 Révolution introuvable, p. 137.
21 Etapes de la pensée sociologique, p. 224 sqq.
22 Révolution introuvable, p. 136.
23 Ibid., p. 123.
24 Ibid., p. 137.
25 Sur ce slogan de Mai, cf. Plaidoyer pour l'Europe décadente, p. 506.
26 Mémoires, p. 493.
27 Révolution introuvable, p. 14.
28 Je pense bien sûr à C. Castoriadis, dont l'enthousiasme pour Mai ne peut guère être séparé de sa fascination pour le modèle de la démocratie directe : cf. encore, tout récemment, Sur la démocratie grecque, Le Débat, janvier-mars 1986.