Revista ENTORNOS Volumen 26. Núm. 2. Septiembre de 2013

L'ARCHÉOLOGUE ET L'INDIGÈNE1

EL ARQUEÓLOGO Y LO INDÍGENA

Sylvie Sagnes2

Résumé

L'archéologie incarne bien le rapport sensible au passé qui devient aujourd'hui un mode privilégié d'appréhension de l'histoire. Le Laboratoire d'anthropologie et d'historie sur l'institution de la culture (LAHIC) a entrepris une anthropologie de l'archéologie qui envisage la discipline sous tous ses angles. Notamment, l'atelier «Archêologies autochtones» poursuit la réflexion engagée par les archéologues eux-mêmes sur les usages identitaires de leurs savoirs.

Mots clés: archéologie, le patrimoine culturel, l'archéologue, l'utilisation identitaire.

Dans le cadre du programma «L'institution archéologique» du LAHIC1, l'atelier «Archéologies autochtones» a poursuivi, plus qu'il ne l'a ouverte, la réflexion engagée para les archéologues eux-mêmes sur les usages identitaires de l'archéologie. Les recherches anglo-saxonnes, les premières, ont mis en évidence le rôle qu'a joué et que joue encore l'archéologie dans l'affirmation des nationalismes et les revendications des minorités autochtones. Les enquêtes entreprises dans le cadre de ce groupe de travail ont pris acte de ces acquis en même temps que de la réalité du «retour du local» qui veut qu'ici et ailleurs s'expérimentent de nouvelles manières de construire la localité et de vivre son autochtonie, au rang desquelles la mobilisation de l'histoire. Investis sur les terrains contemporains des archéologies locales en France et en Italie, les chercheurs du LAHIC ont tenu à confronter leur résultats à ceux obtenus par ailleurs, à d'autres échelles (régionales, nationales), en d'autres pays et continents, et en d'autres temps.

Généralement, les usages identitaires de l'archéologie inspirent aux archéologues des réactions qui vont de la condamnation à la contrition. Le malaise, quelles que soient ses raisons (éloignement et travestissement de la science, négation de l'Autre, etc.) appelle des solutions. En situation postcoloniale, l'archéologue milite pour la mise en place d'une histoire «alternative». Dans la France d'aujourd'hui, les poussées localistes posent différemment le problème, et partant, l'incitent à trouver d'autres issues (concertation, expertise, communication avec le grand public, etc.) Reste que l'archéologue admet l'appropriation de son savoir et le comprend comme un réflexe «naturel» dont il s'agit d'endiguer les dérivés. En filigrane, il pose la question de la juste appropriation ce qui ne répond qu'accessoirement à celle du «pourquoi» et du «comment».

L'on peut certes invoquer la fatalité. Le passé ne saurait échapper aux récupérations idéologiques, et le passé archéologique moins qu'un autre, puisqu'en prise directe avec les territoires. D'un point de vue plus contextuel, l'on peut aussi argüer que les prises de position sont de leurs temps et, sans pour autant excuser, qu'il ne s'agit plus que d'admettre le caractère inéluctable de l'instrumentali-sation. Nonobstant, l'espace du questionnement reste


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immense. Les enquêtes se sont attachées à le parcourir, non dans sa totalité, mais dans certains de ses recoins qu'elles éclairent d'un jour nouveau.

L'archéologue fait surgir du sol de l'inconnu, de l'inattendu dont il s'agit de faire du «même» afin de poser l'équation passé/présent et, partant, de fonder l'idée d'une permanence, d'une continuité. Car l'identité est affaire de temps: être ce que l'on est depuis toujours fait d'une certaine manière que l'on est davantage encore. Cela étant, l'équation passé/présent qu'il appartient à l'archéologue et /ou à l'autochtone d'établir n'a, en fait, pas toujours besoin d'être posée par la bonne raison qu'elle l'est déjà. Le vestige surgit de terre apparait dans l'ordre des choses et ne fait que rendre plus visible un passé soupçonné, comme inscrit en filigrane du présent. A défaut d'évidence, la science donne bien des fois les moyens de l'identification du passé au présent. La théorie évolutionniste a tout particulièrement servi cette fin. Les enquêtes ont également permis de montrer que convertir des traces incongrues en témoins d'une origine peut être affaire de positions. D'une altérité l'autre, l'allochtone apparait plutôt bien placé pour opérer ce passage.

Cela étant, les usages identitaires de l'archéologie ne sont pas aussi systématiques qu'il y parait et peut-être est-ce bien la mise en lumière de ces «ratés», propre à relativiser leur apparente fatalité, qui constitue l'apport essentiel de cet atelier. Autrement dit, si l'appropriation est dans l'ordre «culturel» des choses, elle n'est pas pour autant nécessaire, et moins encore définitive. Les variations qui affectent le présent des identités, telle une recomposition démographique, rendent problématique la reconnaissance collective de l'héritage archéologique. A l'inverse, les retournements du discours archéologique, au gré des découvertes, peuvent expliquer les formes d'indifférence, voire de déni, qu'inspire le passé exhumé, aux antipodes de l'identité revendiquée. L'allégeance de l'archéologue à l'ordre autochtone n'est pas davantage assurée et acquise une fois pour toutes. Révéler à elle-même une identité est une chose, savoir le faire avec et pour ses «co-autochtones» en est une autre. La trahison toujours possible de l'archéologue menace à son tour d'enrayer la mécanique symbolique de récupération de l'archéologie. Décidément, rien n'est moins évident que l'appropriation du fait archéologique qui apparait comme le produit d'équilibres fragiles, aléatoires, toujours temporaires, sinon impossibles.


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L’archéologue et l’indigène. Artículo publicado en la revista Culture & Recherche número 127, otoño de 2012, pp. 34-35. Se publica este texto gracias a la autorización de la revista y la autora.

2

Directora de Investigaciones en el Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ; miembro del Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture (LAHIC). Email: sylvie.sagnes@bbox.fr 1. www.iiac.cnrs.fr/lahic/themes-de-recherche/l-institution-archeologique.

Revista ENTORNOS. Vol. 26, núm. 2. Universidad Surcolombiana. Vicerrectoría de Investigación y Proyección Social, 2013, pp. 93-94