Revista ENTORNOS Volumen 26. Núm. 2. Septiembre de 2013

LES PARCS ARCHÉOLOGIQUES AU RISQUE DES PARCS DE DIVERTISSEMENT1

LOS PARQUES ARQUEOLÓGICOS CORREN EL RIESGO DE CONVERTIRSE EN PARQUES DE DIVERSIONES

Jean-Bernard Roy2

Résumé

L'histoire des parcs archéologiques, en France, débute en 1972, avec l'ouverture du Thot, en Dordogne. La première génération de parcs, avec le célèbre Archéodrome de Beaune, en Bourgogne, apparaît en même temps que les parcs naturels régionaux (PNR) et les premiers musées de plein air et écomusées, dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire, pour les sites naturels, archéologiques et historiques. Les parcs utilisent toutes les ressources de la reconstitution des vestiges préhistoriques et historiques, au moyen de l'archéologie expérimentale. Certains d'entre eux intègrent les temps géologiques avec les «dinosaures». Ils sont toujours situés dans des sites naturels. Cette reconstitution du passé est en rupture avec les musées de site traditionnels, avec les risques d'une culture de masse qui privilégie le divertissement au détriment du culturel («disneylandisation»). Le concept s'avère cependant opérationnel pour les nouveaux musées archéologiques qui l'utilisent aujourd'hui: les parcs-musées archéologiques ne sont plus seulement des parcs de divertissement.

«Les français adorent s'amuser. On leur a longtemps offert du patrimoine à visiter que l'on n'a pas su rendre vivant. Pourquoi n'at-on pas mis des acteurs, des animaux dans des châteaux historiques à l'image des animations de Disneyland à Paris?» (Viard, 1998).

Les parcs archéologiques - parcs à thème - appartiennent à la grande famille des parcs de loisirs scientifiques. Ils sont censés répondre à une critique récurrente adressée aux musées arehéologiques traditionnels, qualifiés de lieux poussiéreux, ennuyeux et mortifères. Leur vertu essentielle serait donc de rendre à la vie des «lieux morts» - ou des lieux «de mort» - alors même que la beauté du mort a longtemps servi d'alibi à la cause patrimoniale. Leur rôle serait de moderniser le musée «de collections», en le faisant accéder au statut de centre d'interprétation, chargé de diffuser la culture scientifique de la discipline archéologique, rôle que ne remplirait plus le musée traditionnel.

Davantage peut-être que toute autre catégorie de musée, le musée arehéologique possède une mauvaise réputation, ne serait-ce que par le détournement qu'il opère en transformant en objets de collection des matériaux archéologiques, considérés avant tout comme matériaux d'étude, et non de «délectation». Il est souvent critiqué pour sa propension à exploiter la ruine, la trace, le fragment, à des fins muséales. La contemplation des vestiges longtemps eultivée comme une valeur patrimoniale ne fait plus guère recette aujourd'hui: on tend à lui préférer la reconstitution intégrale du passé. En archéologie, comme en architecture, pour le monument comme pour la ville


ancienne, on préfère la restauration, la restitution, mais de quel état antérieur?

Existe-t-il un concept spécifique de parc archéologique dans la vaste nébuleuse des parcs de loisirs scientifiques? Ce pourrait être la proposition d'un voyage dans le temps à partir d'un lieu patrimonial (Chaumier, 2003). L'Archéodrome de Beaune propase à ses visiteurs «une nouvelle manière de voyager».

Le site archéologique est souvent à l'origine d'un parc de même que le musée de site est souvent la forme du musée idéal pour l'archéologie - et l'archéologue. Délocalisés, hors de leur site d'origine, les vestiges archéologiques perdent tout contexte signifiant. Ils n'auraient d'existence et de sens que dans le cadre de l'investigation scientifique. Transférés dans les musées, ils acquièrent un statut de «collections» qui risque de les assimiler à d'autres collections polyvalentes, considérées comme «non scientifiques», par l'usage qui en est fait dans le processus de l'exposition. Il s'agirait d'un véritable détournement.

La relation souvent difficile entre musée et recherche s'exacerbe dans le cas du musée archéologique, avec l'impossible dualité de l'institution, créée a l'origine, d'abord pour les chercheurs, avant de l'être pour le public, selon le mot célèbre de Claude Lévi-Strauss. Entre le «musée-laboratoire» - ou le musée comme lieu de recherche - selon le concept de Georges-Henri Rivière, pour les musées d'ethnologie, et le musée comme centre d'interprétation destiné aux publics, le divorce est prononcé. On serait en train d'assister à une séparation programmée de ce couple antagoniste (Grognet, 1999).

L'émergence des parcs archéologiques, souvent dénoncés par certains chercheurs comme dissidents en regard des exigences scientifiques et déontologiques, n'a pas contribué à apaiser le débat, d'autant que le discours pédagogique de ces institutions est parfois cautionné par des membres de la communauté scientifique. Avec la dimension ludique, revendiquée en même temps que l'exigence didactique, le slogan «apprendre en s'amusant» devient le leitmotiv du parc scientifique et archéologique.

Une fréquentation essentiellement liée au tourisme et aux vacances familiales pousse le parc archéologique, comme presque tous ses homologues, à privilégier la «découverte» tandis que les musées, de leur côté, insistent davantage sur leur rôle pédagogique en direction du monde scolaire, et sur la médiation à destination de «tous les publics».

«Parcs de loisirs à thèmes archéologiques, ils n'échappent pas à la logique de gestion des parcs récréatifs en termes de conception d'investissement et de promotion». Dès l'origine, leurs concepteurs se sont inspirés des procédés de mise en scène des parcs américains, en privilégiant «l'émotion» d'une archéologie-spectacle au détriment du sens et du savoir.

Parfois qualifiés pour cette raison de Disneyland de l'archéologie, de «cryptomusées» (Michel Colardelle) ou de «faux musées» (Alain Duval), les parcs archéologiques ont-ils néanmoins réussi à conquérir leur propre légitimité?

Contrairement aux écomusées regroupés dans une fédération des écomusées et musées de société qui a bénéficié d'une assez longue pratique, théorisée et évaluée, les parcs archéologiques ne constituent pas une entité clairement identifiable. Ils ne disposent d'aucune association - tout comme les musées d'archéologie. Ils ne possèdent par conséquent d'aucun moyen pour défendre une ligne de conduite commune, ou promouvoir une charte de «bonne conduite», une «image de marque» qui serait compatible avec les exigences déontologiques et scientifiques de l'archéologie. Nombre d'entre eux adhèrent au syndicat national des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (le SNELAC), participant lui-même à l'IAAPA (International Association of Amusement Parks and Attractions).

Dans ce cadre, le pari est-il tenable, pour les parcs archéologiques qui en sont membres, d'associer «divertissement et culture» avec «le loisir comme moteur économique»? Certaines réalisations de «l'archéologie-spectacle» ou de «l'archéologie-mystère» pourraient nous inciter à en douter. Peut-être faudrait-il créer un label de qualité correspondant à celui que la loi Musées offre aux «musées de France» (les anciens musées classés et contrôlés de la direction des Musées de France).

Une première génération de parcs, en rupture avec les musées archéologiques (le Thot, l'Archéodrome de Beaune) livre un «modèle», qui sera reproduit à quelques variantes près à Samara, Beynac, etc. À partir de ce modèle de référence, plusieurs types de parcs vont s'individualiser. Les uns en privilégiant les reconstitutions humaines (musée Grévin de la préhistoire), les autres la pratique de l'archéologie expérimentale (technique de reconstruction des habitats, des mégalithes, fouille archéologique expérimentale, etc.), parfois en abandonnant toutes références à des sites précis. Enfin, par une sorte de retournement tactique, le concept de parc archéologique est «récupéré aujourd'hui par le musée. Avec l'étiquette valorisante de parc-musée, certains acquis du parc sont repris et intégrés non sans difficultés: il s'agit le plus souvent d'une juxtaposition de deux modes de restitution du patrimoine archéologique plutôt que d'une intégration véritable.


Le sort d'une collectivité peut aussi s'incarner dans son patrimoine archéologique, au terme le plus souvent d'une évolution de son attitude, marquée par des réalisations et projets successifs: du site aménagé, reconstitué, muséographié, au parc archéologique proprement dit, dans une volonté de réappropriation modernisée de son patrimoine.

Le parc archéologique est-il une alternative crédible pour les musées archéologiques en quête de renouveau? N'est-il qu'une version repoussoir du musée scientifique alors que la formule est largement ratifiée par tous les publics? Musée et parc peuvent-ils, doivent-ils, coexister? Le parc est-il la forme ultime et nécessaire de l'évolution typologique des institutions chargées de la diffusion et de la médiation de la culture archéologique? Ou n'est-il que le résultat d'un effort nécessaire pour s'adapter aux prétendues demandes du public, face aux nécessités d'une économie de marché commandée par le tourisme culturel?

Un contexte favorable

Si l'on recherche le climat des origines pour les parcs archéologiques, on est frappé par l'ambiance favorable du début des années 1970, avec la naissance des préoccupations écologiques et l'intérêt pour la mise en valeur du territoire grâce à la Datar (délégation à l'Aménagement du territoire et à l'Action régionale) qui favorise la création des premiers parcs naturels régionaux (Pnr) dès 1967 (la Fédération régionale des parcs naturels est créée en 1971).

Lors de la première conférence des Nations unies sur l'environnement en 1972 à Stockholm, le concept de Nature fait l'objet d'une approche culturelle, avec «la culture naturelle», l'homme est désormais «un animal comme les autres» au sein du monde vivant et il doit être appréhendé et protégé dans la niche écologique où il s'est développé a l'instar de tous les êtres vivants.

C'est l'époque de l'ouverture du musée de plein air des Landes de Gascogne à Marquèze dans le cadre du parc naturel des Landes et de la vallée de la Leyre, en 1970, grâce à la mission interministérielle de l'aménagement de la Côte aquitaine dirigée par Philippe de Saint-Marc. Marquèze devient l'un des premiers écomusées (l'écomusée de la Grande Lande) avec le Creusot dont l'aventure commence unan plus tarden 1971 dans une communauté urbaine de communes. C'est dans cette ambiance «mimétique» qu'apparaît le premier parc archéologique, l'Espace Cro-Magnon du Thot, en 1972 à Thonac en Dordogne. L'Espace Cro-Magnon est donc le premier parc de préhistoire «à caractère récréatif» créé dans la région française la plus riche en sites préhistoriques, mais dont la situation semble calamiteuse. À 1'époque on y dénonce pêlemêle:

-    la grande misère du principal musée de préhistoire, celui des Eyzies-de-Tayac;

-    la surexploitation touristique des grottes et abris ornés ouverts au public et qui sont encore pour la plupart entre les mains de propriétaires privés, plus soucieux, dans l'ensemble, de rentabiliser leur site que d'en assurer la conservation. La grotte de Lascaux, le site majeur de la région à Montignac-sur-Vézère, a dû être fermée au public en 1963 pour arrêter une dégradation entraînée par le trop grand nombre de visiteurs. Découverte fortuitement en 1940, elle avait été ouverte à la visite en 1948.

Les arguments avancés par les promoteurs du projet du Thot répondent pour partie à la nécessité bien comprise de concilier conservation du patrimoine et développement du tourisme local. Trois idées principales sont avancées qui seront ensuite reprises et recyclées par d'autres parcs archéologiques:

-    remplacer les originaux trop fragiles par des fac-similés;

-    créer un environnement de plein air, un «microclimat préhistorique» accompagné d'un parc animalier (de bisons, cervidés, poneys);

-    reconstituer des scènes à caractère «ethno-archéologique».


Les critiques, nombreuses, émanent du monde culturel et savant. Outre le «mercantilisme» introduit «pour la première fois» dans le domaine de la préhistoire, on dénonce l'apparition d'un «luna park» préhistorique dans la vallée de la Vézère (Guillebaud, 1972). Le président de l'académie des Lettres du Périgord Pierre-Paul Grassé y voit pour sa part un «Disneyland préhistorique», première référence au géant des parcs de loisirs américains qui ne sera pas la dernière! Quant aux partisans du parc «discrètement appuyés» par le très américanophile François Bordes, principal préhistorien et universitaire bordelais, ils défendent l'idée de regrouper, dans un même lieu, des relevés provenant des très nombreuses grottes ornées du Périgord pour les rendre accessibles. On pourra préférer l'original à une copie, mais la nécessaire sauvegarde des sites passe par des mesures drastiques: limitation du nombre des entrées, ou fermeture définitive au public, dans le cas de Lascaux. Critiquer le principe de la reproduction des œuvres d'art serait en quelque sorte «s'opposer à la vulgarisation de la culture» (Bechmann, 1972).

Aujourd'hui rénové, le parc offre aux visitéurs des reconstitutions de scènes préhistoriques avec un «musée» qui se présente comme un centre d'interprétation sur l'art pariétal, avec ses diapositives géantes de montages audiovisuels et des films sur les grottes ornées. Un fac-similé de la grotte de Lascaux (Lascaux III, en référence au premier fac-similé Lascaux II), implanté à proximité immédiate du site, inaugure la formule d'un substitut de grotte ornée, rendu nécessaire pour la conservation.

Le futur lieu de restitution virtuelle de la grotte Chauvet à Vallon-Pont-d'Arc dans la vallée de l'Ardèche, l'Exploratoire, utilisera également toutes les ressources des multimédias et des nouvelles technologies de l'image.

On pourrait prendre l'exemple de l'Archéodrome de Beaune-Tailly, sur l'autoroute A6, créé en 1978 (l'Archéo-drome de Bourgogne) comme prototype des parcs archéologiques français. Son existence résulte d'une volonté de la compagnie d'autoroutes de revaloriser son image à un moment où les grands travaux autoroutiers apparaissaient -a juste titre- comme destructeurs du patrimoine enfoui. En collaborant très habilement avec les services archéologiques de l'État, en créant un comité scientifique avec de grands noms de l'archéologie nationale, la compagnie d'autoroutes a utilisé le mécénat au service de la diffusion de données nouvelles apportées en grande partie par les travaux autoroutiers.

Le parc de reconstitutions archéologiques de Beaune regroupe un ensemble d'installations, depuis des maisons néolithiques jusqu'aux vestiges gallo-romains. Les sites de proximité sont intégrés dans une vision élargie, et plus encyclopédique, comme les stèles funéraires de la nécropole gallo-romaine de la bourgade des Bolards, découvertes en 1972 sur le chantier de l'autoroute A37, ou les travaux de Jules César pendant le siège d'Alésia.

Un ensemble rural gaulois du ne age du IIe âge du fer (Ier siècle av. J.-C.) avec maison, grange, grenier, a été reconstruit dans son cadre rural reconstitué grâce aux fouilles de la vallée de l'Aisne, près de Soissons, c'est-à-dire hors de la région de Bourgogne, mais comme exemple caractéristique d'un habitat rural gaulois d'avant la conquête romaine.

Dans le même esprit, mais moins cohérent dans son programme, et procédant davantage par amalgames, le parc archéologique de Beynac propose, sur un éperon rocheux qui domine la Dordogne, un musée de plein air à vocation pédagogique et expérimentale: la vie quotidienne des premiers paysans et métallurgistes. Le parc, d'un hectare, est situé au pied du château Beynac où le musée, associé au parc, est installé dans une tour du XIVe siècle. L'espace de présentation reconstitue les types d'habitats de l'Europe tempérée du Néolithique à l'âge du fer. On y trouve:

-    un ancien village du VIIIe siècle avant J.-C. (fin de l'âge du bronze) qui entre dans une véritable typologie des habitats ruraux et monuments de la période considérée, avec un temple de l'âge du bronze mais dont le modèle se trouve aux Pays-Bas (Bar-geroosterveld), différents modèles de sépultures mégalithiques, de la tombe «simple» à la tombe «collective»;

-    la reconstitution d'une entrée fortifiée d'oppidum celtique. Ce parc offre une sorte d'équivalent encyclopédique des premiers musées de plein air, pour des constructions protohistoriques, de toutes provenances, considérées comme les plus représentatives, à la manière d'une présentation d'exposition universelle du XIXe siècle. La pratique de l'archéologie expérimentale complète les reconstitutions et le musée proche présente les objets archéologiques, distincts du parc eux-mêmes, selon la tradition d'une séparation entre structures et matériaux archéologiques (à l'Archéodrome, l'espace de présentation des objets archéologiques ne montre que des moulages de pièces archéologiques).


Cette version du parc archéologique procède par la juxtaposition d'éléments d'origines diverses qui tentent de recréer une synthèse des différentes étapes de l'évolution des temps préhistoriques et protohistoriques ainsi que celle de l'archéologie historique. Le projet n'est pas sans rappeler les premiers musées ethnologiques de plein air comme le musée de Skansen près de Stockholm créé en 1891, ou le musée du Village, à Bucarest en 1936 et réorganisé en 1948. Dans ces deux cas, on s'est efforcé de regrouper des ensembles significatifs de constructions représentant les entités régionales (à l'aide de très nombreux exemples: 150 constructions au musée de Skansen, 312 à Bucarest).

En France, il a fallu attendre la fin des années 1960, malgré le projet élaboré dès 1937 par Georges-Henri Rivière, pour que soient créés les parcs d'arts et traditions populaires, prémisses des premiers écomusées dont le concept est issu de celui des musées de plein air, avec la naissance des parcs naturels régionaux.

L'écomusée de la Grande Lande de Marquèze, à Sabres, a commencé par le transfert et la reconstruction d'une maison traditionnelle, mais très vite, la réflexion a porté sur la restitution de l'airial de Marquèze, sans autre adjonction de bâtiments extérieurs. Le souci scientifique de ne pas déraciner bâtiments et objets hors de leur contexte d'origine et de travailler a une conservation et à une valorisation in situ a prévalu sur un parc plus généraliste.

Le débat sur la mission des écomusées a rebondi par la suite, avec la création d'écomusées considérés comme plus proches des premiers musées de plein air, tel celui d'Ungersheim en Alsace, avec ses soixante maisons à colombages, représentatives de l'architecture traditionnelle locale.

Les dérives des musées de plein air ou des écomusées sont d'actualité, comme celle des parcs archéologiques:

- le village «du XVIIIe siècle» reconstitué en Vendée, au Puy-du-Fou, est habité par des artisans en «costumes d'époque» qui font étalage d'un savoir-faire devant les visiteurs du parc d'attractions. Ils vendent «leurs produits», fabriqués, en fait, à l'extérieur de leur espace de démonstration;

-    le «faux village francilien, mais vraies boutiques» de La Vallée, en Seine-et-Marne, centre commercial issu d'Euro Disney, souhaite «décliner son modèle a l'infini» (Poinssot et Wallet, 2003).

De la même manière, mais sans que leur concept soit aussi bien théorisé que celui des écomusées par Georges-Henri Rivière et Hugues de Varine, les musées archéologiques de sites de plein air ont évolué vers des formules qui se veulent plus scientifiques, plus respectueuses de leur territoire d'origine.

À Samara en Somme près d'Amiens, le parc archéologique annonce: «Parcourez 600 000 ans de l'évolution des premiers hommes aux Gallo-romains». En fait, l'approche territoriale tient compte à la fois des sites présents sur l'espace du parc, et des paysages, avec un arboretum, les anciennes tourbières et la cabane du tourbier, la station de lagunage: milieu naturel et parcours écologique sont placés au service d'un discours qui s'ef-force d'intégrer «circuit riature et circuit de reconstitutions». Une architecture «originale» de Bruno Le Bel, c'est-à-dire un bâtiment moderne qui ne recherche pas à pasticher les reconstitutions, abrite le «pavillon des expositions». «Il n'y a plus ici ni vitrines ni collections, mais des reproductions qui permettent de comprendre toute l'évolution de l'homme à travers les grandes périodes de la préhistoire et de la protohistoire et de l'Histoire.» (Ravera, 1988).

La cohérence chronologique apparaît bien dans le circuit des reconstitutions:

-    maison néolithique de Picardie (- 7 000 ans av. J.-C.);

-    maison de la fin de l'âge du bronze;

-    maison de l'âge du fer;

-    four gallo-romain de Beuvraignes.

La sépulture collective néolithique de la Chaussée-Tirancourt ainsi que l'oppidum celtique surplombant le parc appartiennent au territoire de ce parc archéologique et entrent en jeu dans le circuit des reconstitutions et le parcours des visiteurs.

La reconstitution se trouve donc à la base du concept de parc archéologique mais elle est critiquable: «Les uns et les autres nous revons d'Herculanum. Mais c'est un rêve généralement impossible sans de nombreuses tricheries.» (Barruol et Poinssot, 1987.)


Lorsque les vestiges se trouvent dans un état fragmentaire, ce qui est presque toujours le cas pour les périodes anciennes, la liberté nous est laissée de choisir entre plusieurs lectures possibles. «La version retenue est toujours celle qui satisfait au mieux les exigences intellectuelles imposées par les circonstances culturelles.» (Tomaszewski, 1991.) Ainsi l'anthropologie occidentale idéalise le monde des chasseurs de la préhistoire pour critiquer «le paradigme évolutionniste et ses propres valeurs culturelles» (ibid.). C'est pourquoi la muséologie officielle recommande la plus grande prudence dans l'utilisation de ces reconstitutions, «seulement à titre expérimental», et en préférant d'une manière générale l'emploi de maquettes à celui des reconstitutions en vraie grandeur. Enfin, ces reconstitutions vieillissent mal comme le montrent les exemples de «Cnossos» ou des «cités lacustres» (Barruol et Poinssot, 1987). Encore ne s'agit-il que d'une application destinée d'abord aux musées de site, ancêtres et précurseurs des parcs archéologiques qu'ils annoncent directement («le musée de site archéologique est au carrefour du parc et de la reconstitution», (ibid.). D'autres origines et filiations plus anciennes seraient à rechercher du côté des expositions universelles et coloniales avec leurs reconstitutions de villages et d'habitats traditionnels, peuplés d'indigènes des colonies (les, «zoos humains»). Dans le monde des sciences naturelles, les parcs animaliers et zoologiques ont fourni d'autres modèles (avec les dioramas, eux-mêmes à relier aux panoramas, period rooms et streetscapes).

Le parc à reconstitution de scènes préhistoriques: le musée Grévin de la préhistoire

Ce modèle de parc se présente comme une variante du musée Grévin qui serait installée dans un paysage naturel avec des mannequins regroupés daos une succession de scènes préhistoriques (l'ancêtre du concept est l'Espace Cro-Magnon de Thonac-le-Thot).

Dans un parc ombragé sont reproduits en vraie grandeur nature les animaux côtoyés par l'homme de Cro-Magnon: le mammouth, le rhinocéros laineux, l'aurochs, le cheval de Prewalski. Les différents modes de campements, avec des huttes recouvertes de peaux de rennes, sont agrémentés par des scènes de la vie des chasseurs de la préhistoire.

D'autres formules proches de ce parc se limitent à une série de scènes extérieures qui ne sont pas saos rappeler les stations d'un chemin de croix grandeur nature, comme autant d'étapes d'un parcours initiatique, très stéréotypé. Le Préhistoparc de Tursac entre Montignac-sur-Vézère (Lascaux) et les Eyzies-de-Tayac où se trouve le musée national de Préhistoire, juxtapose en milieu boisé des scènes de la vie de l'homme de Neandertal, premier habitant de la région, et de son successeur l'homme moderne, l'homme de Cro-Magnon. Scènes de chasse au mammouth, à l'aurochs, reconstitutions d'habitat, d'une cérémonie d'inhumation, ou de «chamanisme», avec le «sage et la justice», se succèdent au gré du parcours.

Les personnages en résine, décorés de couleurs criardes, et figés dans des postures involontairement comiques ou grotesques, n'emportent pas la conviction. Un discours scientifique valide la présentation élaborée avec le concours d'un professeur du muséum national d'Histoire naturelle de Paris. Le vallon boisé qui met en valeur le Préhistoparc ne correspond pas au biotope des hommes de la préhistoire (une steppe herbeuse, très partiellement boisée).

Son homologue de Bretagne, le parc de Malansac dans le Morbihan, a été réalisé avec la caution scientifique d'un conservateur de musée. Quatorze stations, avec une cinquantaine de personnages et d'animaux, retracent la vie des premiers hommes de - 450 000 ans jusqu'à 2 000 ans avant J.-C.-, «dans un site sauvage et boisé parsemé de cinq lacs surplombés de falaises de 40 m de haut». On peut y voir aussi un tyrannosaure de 15 m de long reconstitué, exemple récurrent d'une association impossible entre les grands sauriens fossiles du secondaire et les hommes préhistoriques de l'ère quaternaire!

On pourrait citer d'autres exemples de ces musées Grévin de la préhistoire comme le parc de Saint-Vrain en région parisienne (Essonne) ou le Préhistorama de Rousson dans le Gard avec ses reconstitutions «rigoureusement scientifiques» sur «l'origine de l'homme et sa lente évolution jusqu'à nos jours» réalisées en scènes-dioramas d'intérieur, avec des crédits européens.

Les animaux sauvages et les parcs animaliers, ou les «zoos», associés à l'image de l'homme préhistorique chasseur, sont une formule largement utilisée comme au zoo de Doué-la-Fontaine, près de Saumur dans le Maine-et-Loire, installé au cceur d'anciennes carrières de «pierres coquillières» (le contexte géologique); on peut y photographier des tigres, des léopards et des panthères. Le site fait l'objet d'aménagements nouveaux chaque année. La «dernière création» en date, la caverne de Cro-Magnon, met en scène des situations quotidiennes de la préhistoire «au réalisme saisissant».


L'animal vivant est un acteur essentiel souvent utilisé comme faire-valoir. À la Ferme de l'aurochs dans le Jura, il sert de lien avec le squelette d'aurochs du musée archéologique de Lons-le-Saunier dans un projet visant à mettre en valeur ce patrimoine animalier pour la région. Emmanuelle Jallon révèle que cette reconstitution de l'aurochs, animal disparu définitivement au XVIIe siècle, par les deux frères Heck, en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale, avait pour but initial d'offrir un emblème germanique au parti nazi et de légitimer les thèses raciales en sacralisant la pureté de cette race animale! (Jallon, 2003.)

Certains parcs, que l'on pourrait qualifier «d'attrape-tout», procèdent à des amalgames où l'archéologie constitue l'un des éléments susceptibles de satisfaire la clièntele potentielle la plus large possible. Les éléments archéologiques sont affichés au même titre que d'autres attractions naturelles dans un ensemble composite, avec un éventail d'offres les plus variées. Les grottes, gouffres, cavités naturelles, simples curiosités géologiques au titre du relief karstique, sont souvent peuplées de reconstitutions d'hommes préhistoriques, même si aucune trace d'occupation réelle n'y ont été décelées!

Auparc préhistorique de Fontirou près de Villeneuve-sur-Lot, le couplage s'effectue entre un site naturel (une grotte calcaire avec ses stalagmites et stalactites, mais qui ne possède aucune trace d'occupation humaine à l'époque préhistorique) et «l'idée» de l'homme de la préhistoire. Le parc de Fontirou associe l'histoire du monde depuis 4 à 6 milliards d'années (la géologie) à celle des hommes, jusqu'à la fin de la préhistoire (le Néolithique). On retrouve:

-    les grands dinosaures «avec un rarissime véritable nid d'œufs de dinosaures», les reptiles volants...;

-    la reconstitution d'un volcan en activité, «sans compter un minigolf de dix-huit trous et un baby kart électrique».

L'amalgame est complet: du site naturel, avec la géologie, la préhistoire jusqu'aux attractions foraines contemporaines pour le divertissement.

Comme l'a très bien montré Anne Nivart dans son étude sur les «parcs de reconstitutions archéologiques» (Nivart, 2003), les parcs sont très largement diachroniques, même lorsqu'ils ne pratiquent pas ce genre d'amalgame, depuis les temps géologiques jusqu'à la période contemporaine, en s'arrêtant de manière préférentielle sur les périodes préhistoriques qui rencontrent toujours la faveur du public.

Dans le cas des temps très lointains, et relativement peu documentés, de la préhistoire ancienne, celle des origines de l'homme et des premiers hominidés, un écart maximum se creuse entre l'extrême pauvreté des vestiges, même organisés, interprétés (quelques fragments d'os, de pierres taillées et d'ossements d'animaux) et l'exubérance excessive des reconstitutions de scènes préhistoriques animées par des mannequins, sortis d'ateliers spécialisés, destinés à l'origine au cinéma d'épouvante. Pour L,Odyssée de l'espece «une paléofiction sous haute surveillance» programmée pour la télévision en 2003, les journalistes qui relatent les conditions de réalisation de cette reconstitution évoquent la nécessité d'inventer ce qu'ils ne pouvaient connaître, citant une spécialiste des australopithèques consultée à propos du personnage de Lucy: «Imaginez quand on ne dispose en tout et pour tout que d'un fémur», pour reproduire la démarche de Lucy! Décevants trompel'œil que ces reconstitutions parfois burlesques, souvent violentes (l'affrontement sanglant du chasseur et de son féroce gibier). Stéréotypées, elles reprennent la thématique des illustrateurs, avec le même goût pour les femmes aux seins nus que dans la peinture de préhistoire du XIXe siècle, les mêmes chasseurs hirsutes et leurs inévitables peaux de bête, hommes préhistoriques caricaturaux, images répulsives de l'ancêtre mal assumé dans nos consciences? Alors qu'avec le mythe de Tarzan, l'homme primitif idéal, conforme à l'ancêtre rêvé par Boucher de Perthes, apparaît comme libéré du poids du singe, par la présence de son chimpanzé favori (Leroi-Gourhan, 1964: 39).

On retrouve dans toutes ces reconstitutions les fantasmes de «l'anthropologie naïve» bien plus que la problématique de «l'anthropologie savante». Face à notre imaginaire, les vestiges archéologiques sont terriblement décevants: «Nous sommes incapables d'avoir des relations avec des ossements ou des cailloux; nous avons besoin de les envelopper et de les former à notre image.» (Fonton et al., 1993). Formulé à propos des représentations graphiques de la préhistoire, ce constat nous renvoie à celles des musées et des parcs archéologiques et leur besoin de «réalisme», mais le modernisme des reconstitutions n'est qu'apparent. Celles de l'homme de Neandertal ou de l'homme de Cro-Magnon exhibées à l'Exposition universelle de 1889 paraissent étrangement analogues à celles de nos «archéosites» ou autres «préhistoramas» modernes. Pour s'en convaincre, il suffira de comparer les deux représentations féminines aux seins dénudés, celle de l'Exposition de 1889 et à la femme blonde du Préhistorama de Rousson qui sont presque identiques.


La vision de certaines représentations féminines, sous le prétexte de montrer la femme de la préhistoire, pourrait rappeler cette appropriation voyeuriste des femmes des tropiques, dans le cadre bien connu de la pornographie coloniale, devenue un classique dans l'héritage occidental (Leibovics, 2002). Et l'on se souviendra de Sarah Baartman, la jeune femme noire exhibée dans les foires à Londres, Paris, au début du XIXe siècle et finalement exposée après sa mort et sa dissection par Cuvier sous la forme d'un moulage corporel, jusqu'en 1974, au musée de l'Homme à París, avant que ses restes ne soient restitués à la terre de ses ancêtres d'Afrique du Sud à la demande de ses descendants, en 2002 (Badou, 2002).

L'affaire est entendue, ces reconstitutions, «au premier degré» (L’Odyssée de l’espèce), ne sont pas exemptes de critiques: un conte qui narre «la petite histoire plausible mais non avérée» de notre passé lointain (Yves Coppens).

Au musée de l'homme de Neandertal, les reconstitutions décalées, et pleines d'humour, introduisent une distanciation critique salutaire et dissipent le malaise qui peut naître d'une confiance excessive dans nos capacités à reconstituer le réel, à partir des vestiges les plus ténus de la préhistoire.

On peut y voir un homme de Neandertal, vêtu d'un costume moderne, assis sur un canapé qui regarde un téléviseur diffusant l'expérimentation actuelle d'un tailleur de silex, il reproduit des outils moustériens avec la technique «levallois» utilisée par les néandertaliens. L'homme de Neandertal semble en tous points semblable à «Monsieur Tout le Monde» malgré la singularité de ses traits. Il est humain, trop humain? L'exotique n'est pas toujours au rendez-vous du réalisme, dans les reconstitutions préhistoriques.

Parcs archéologiques et archéologie expérimentale les centres d’interprétation

Cette nouvelle génération de parcs utilise une terminologie de mots en «-scope» directement influencée par le succès du Futuroscope de Poitiers qui a donné le Bioscope, le Naturoscope, le Fossiloscope... et pour l'archéologie l'Archéoscope, le Paléoscope en attendant d'autres intitulés encore plus «novateurs»: l'Exploratoire, futur lieu de médiation pour la grotte Chauvet dans la vallée de l'Ardèche, définitivement fermée au public pour son étude scientifique et sa conservation préventive, l'Archéolab, Ethni Cité ou Hatzen Bidea, Asnapio et les Archéosites qui explorent les mêmes voies de l'interprétation.

L'espace découverte d'Hatzen Bidea («sur le chemin des traces») est une pure scénographie. Il n'est ni un fac-similé de site réel, il n'est pas non plus un musée car on n'y trouve aucune pièce archéologique originale. Site préhistorique imaginaire, parcours offert à la perspicacité du visiteur, il fait néanmoins référence aux grottes préhistoriques d'Oxocelhaya et d'Isturitz ainsi qu'aux grottes Cosquer et Chauvet extérieures au territoire du centre d'interprétation, situé dans le pays Basque, à Hasparren.

En quarante-cinq minutes et dix espaces traversés, le visiteur devient lui-même archéologue. L'homme n'est jamais représenté mais il est présent par «jeu de miroirs».

Il est tout d'abord l'homme moderne, il prend conscience de sa position dans le monde des vivants, puis devient l'archéologue, c'est-à-dire le sujet de son enquête.

Autre forme d'un affranchissement total des sites de référence pour une région, le parc archéologique Asnapio près de Villeneuve-d'Ascq dans la banlieue de Lille, joue aussi la carte de l'expérimentation archéologique. Situé au cœur du parc du Héron, il présente l'habitat rural «de nos régions», du Néolithique au Moyen Âge. On peut y découvrir les particularités de ces habitats anciens reconstitués, ainsi que le mode de vie de leurs occupants «au cœur du jardin où les plantes sont les mêmes que celles cultivées par nos ancêtres». Les ateliers permettent de s'initier aux modes de fabrication, de clayonnage, de torchis, etc.

L'Archéolab est un aménagement de site, avec un bâtiment construit à Abilly en Indre-et-Loire, sur un site en cours de fouille. Il répond à la volonté pédagogique d'expliquer la fouille, des ateliers de taille du silex au Néolithique final (nombreux dans le sud de la Touraine et le nord du Poitou) afin de lutter contre les pillages de fouilleurs clandestins à la recherche de grandes lames collectionnées sans le souci de compréhension nécessaire et d'étude des sites. On peut donc y voir sur place des structures mises au jour par les archéologues et une reconstitution de l'habitation-atelier qui a été fouillée jusqu'à sa base. Une exposition avec des maquettes, des copies d'objets, des vidéos, développe la démarche des archéologues.


Au Cairn, à Saint-Hilaire-la-Forêt en Vendée, «Vivre la préhistoire», dans un parc de 3 ha avec des démonstrations de techniques de construction des mégalithes dans un bâtiment de 500 m2 (exposition, audiovisuel, diaporama), complète le parc d'expérimentation archéologique, centre d'interprétation sur le mégalithisme. On peut y assister à la construction d'une architecture mégalithique.

L'histoire plus récente commence à être également investie selon la même logique. À Guédelon dans l'Yonne, en Puisaye, le visiteur est invité à assister au spectacle qu'offrent les bâtisseurs d'un château fort: Ils ont retrouvé un site sauvage, une ancienne carrière boisée, un paysage de l'An Mil. Avec cette pierre et ce bois ils construisent un château fort dans le respect des techniques du XIIIe siècle. »

Sur ce site comme sur le précédent, il ne reste plus que le spectacle du geste technique et la construction en train de se réaliser sous les yeux du visiteur.

Une formule plus épurée de parc, sans les mannequins évoquant «le zoo humain» des expositions ethnographiques, consiste à introduire massivement les objets reproduits par archéologie expérimentale au sein de structures reproduites, tout en respectant des données archéologiques, localisées et limitées à un terroir ou a un territoire.

L'Archéosite d'Aubechies-Belœil, dans le Hainaut beige, exploite le site néolithique de Blicquy. Il propose un «voyage de 5 000 ans dans notre passé», avec des reconstitutions sur l'âge du bronze, l'âge du fer, la maison gauloise et le temple gallo-romain de Blicquy. A l'Archéosite les maisons sont meublées et aménagées de telle sorte que si nos lointains ancêtres revenaient, ils pourraient à nouveau s'y installer et s'y sentir chez eux. Le mobilier est la copie conforme des objets originaux découverts en fouille. La plupart de ces ustensiles ont d'ailleurs été fabriqués sur place en utilisant les techniques d'époque (vannerie, tissage, cuisson de poterie, fonte du bronze, frappe de monnaie, taille du silex, réduction du fer, travail de l'os, etc.).

Un autre Archéosite belge, également implanté à proximité du musée du Malgré Tout, à Treignes, dans les

Ardennes belges, se donne pour objectif «les architectures premières», en reconstituant des habitations des chasseurs nomades, entre «-1 rnillion d'années et - 12 000 ans en Europe», à partir de l'interprétation des vestiges matériels inspirés de sites très éloignés géographiquement: le campement sur sol empierré de Pont-de-Lavaud dans la vallée de la Creuse, il y a plus d'un million d'années, modèle d'une très ancienne occupation humaine, ou l'architecture d'os, de terre et de peau des habitations ukrainiennes de Mezhirich il y a environ 16 000 ans, avec leur structure en ossements de mammouths. On pourra comparer les reconstitutions d'habitats magdaléniens de Pincevent vers

12 000 ans avant J.-C. - tentes coniques réunies ou non par un auvent - à celles de Gonnersdorf sur les bords du Rhin, non loin de Coblence qui, à la même époque, pourraient être rapprochées des tentes rondes des Tchouktchis, actuels habitants de la Sibérie, alors que les modèles proposés pour les tentes de Pincevent seraient à rechercher chez les Amérindiens. Élaborées grâce au comparatisme ethnographique, ces reconstitutions ne sont qu'hypothétiques, elles proposent des modèles possibles d'interprétation. Une fois de plus le cadre naturel, un paysage du parc bucolique et bocager, n'est pas en accord avec ces maquettes d'habitat qui se trouvaient dans une steppe froide très partiellement boisée à l'époque paléolithique.

Ces parcs de reconstitutions d'habitat préhistoriques pourraient également être rapprochés des succédanés de musées de plein air de type scandinave (Skansen) tels que l'Archéodrome de Beaune ou les autres parcs archéologiques de la première génération.

D'autres types de centres d'interprétation «sans collections» existent sur des sites, ou à proximité de sites dont il est difficile de «conserver la mémoire», après la fouille, parcs-jardins ou centres plus traditionnels proches des parcs archéologiques.

Le jardin archéologique de Saint-Acheul se propase de «dévoiler, témoigner, exposer, révéler découvrir», sur le site éponyme qui désigne l'une des plus anciennes industries de l'humanité, l'acheuléen, l'histoire des premières découvertes et les fouilles modernes. Situé à l'emplacement de l'ancienne gravière Bultel et Tellier, ce nouveau lieu «a découvrir» est à la fois un parc archéologique où les aménagements paysagers respectent la nature du terrain d'origine, c'est un lieu arboré «à la verdure dense et au décor champêtre» et un musée de site. Une coupe géologique montre la superposition des dépôts sédimentaires accumulés depuis 450 000 ans. Une tour d'obsetvation culmine à 19 m; elle offre un panorama sur la vallée de la Somme avec un centre d'interprétation: le Fil du temps symbolise l'évolution humaine de l'australopithèque à l'homme moderne. Relation généraliste de la préhistoire ancienne, au détriment, peut-être, de l'aspect spécifique et local (Boucher de Perthes, inventeur de la préhistoire dans la vallée de la Somme).


Le centre d'exposition archéologique d'Étiolles (Essonne), ouvert en 1992 pres d'Evry, résulte de la découverte d'un site d'occupation de chasseurs vers - 13 000 ans sur la rive droite de la Seine. Le centre d'interprétation ne présente pas d'objets archéologiques originaux mais des maquettes grandeur nature: une hutte préhistorique en peaux et branchages, des restitutions de paysages et des données explicatives sur les méthodes d'analyse et d'interprétation des vestiges, avec la chasse aux grands herbivores (cheval, bison, renne, mammouth). Un parcours pédagogique avec chronologie matérialisée au sol et un centre d'exposition.

Le parc archéologique va donc utiliser aussi tous les instruments à sa disposition: nouvelles technologies, images virtuelles «ou en 3D» pour restituer, de manière réaliste, voire «hyperréaliste», les mondes perdus de l'archéologie. Les ressources de l'archéologie expérimentale vont fournir les moyens de retrouver les comportements des hommes de la préhistoire. «Faire vivre, faire revivre la préhistoire», l'archéologie expérimentale offre un nouveau mode d'approche pour les musées, les centres d'interprétation et les parcs archéologiques. La méthode, destinée à l'origine à éclairer le travail d'investigation des chercheurs, consiste à rechercher et à retrouver les gestes, techniques de fabrication et d'utilisation des outils. Elle est devenue, par extension, un moyen de médiation pour les publics, une démonstration «vivante» sur la manière d'allumer le feu, de tailler des outils en silex, ou de chasser au propulseur. D'abord archéologie-spectacle, cette pratique tend aussi à «rendre le visiteur acteur», selon une formule largement utilisée et quelque peu démagogique: faites-le vous-même, ou retrouvez-vous dans les conditions de vie - ou de survie- d'un chasseur de la préhistoire (l'aventure de l'archéologie). On pourra ainsi s'identifier aux hommes et aux cultures sur lesquels se penchent les archéologues, mais aussi s'identifier au chercheur lui-même, en devenant soi-même un fouilleur, en utilisant la fouille expérimentale, ou en étant associé à des fouilles réelles. La formule d'avenir des parcs archéologiques sera celle des parcs d'aventure. Elle existe déjà sur un site troglodytique au Conquil (Saint-Léon-sur-Vézère) où le parc Rahan associe aventures et préhistoire avec des scènes de la vie de Rahan reconstituées, des parcours dans les arbres et une «initiation à la vie préhistorique». L'archéologie-spectacle n'est pas exempte de dérives: fêtes et festins préhistoriques costumés, offrant une convivialité incontestable aux participants, contribuant aussi à la création d'un «folklore archéologique contemporain». Fêtes médiévales, repas préhistoriques et autres manifestations costumées participent à cette vision ludique d'une archéo-histoire extrêmement simplifiée et simpliste qui n'est pas réservée aux seuls «parcs» archéologiques.

Musées-parcs, parcs-musées, simple juxtaposition ou effort de synthèse?

Avec ou sans collections, le centre d'interprétation en archéologie est rattaché, ou non, à un site. Il peut être totalement virtuel comme substitut du musée impossible (Lascaux II) pour raison de conservation préventive, ou le futur lieu de médiatisation pour la grotte Chauvet, fermée au public. Centre d'interprétation et parc, il s'installe dans un paysage révélateur (Tarascon-sur-Ariège). Ce dernier centre d'interprétation sur les grottes de Niaux, qui reproduit le célèbre «Salon noir» de Niaux, offre une synthèse de l'art pariétal magdalénien des Pyrénées, le Mas d'Azil de Bédeilhac... et du monde entier puis-qu'il s'ouvre sur l'art pariétal en général. Ces artistes magdaléniens avaient-ils des cousins qui dans d'autres parties du monde auraient pu réaliser des œuvres?»

Les visiteurs découvriront done un parc de 13 ha, «panorama unique» et, grâce au film multimédia, grâce aux six écrans géants, photos, images virtuelles, l'art du Brésil, de l'Amérique, de la Chine, de l'Australie... et de bien d'autres pays. Volonté d'universaliser l'art pariétal qui va de pair avec des hypothèses actuelles d'interprétation comparatistes et universelles.

Le musée archéologique de la dernière génération fin des années 1990 et du début du XXIe siècle conquiert sa légitimité par le territoire, et s'il n'est pas lui-même un parc archéologique, par son environnement, il est construit comme le musée de Quinson, musée de préhistoire des gorges du Verdon, au cœur du parc naturel régional du Verdon. Cette option avait déjà été celle des premiers écomusées comme celui de la Grande Lande, à Marquèze, implanté dans le parc naturel des Landes de Gascogne.

Le musée de Quinson rassemble des «collections» issues des fouilles réalisées par le professeur Henry de


Lumley et ses collaborateurs depuis près de cinquante ans «dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, entre les Alpes et le littoral, dans un territoire privilégié où les espaces naturels, encore préservés, se conjuguent avec l'air pur et ensoleillé de la moyenne montagne. Les célèbres gorges du Verdon percées d'une multitude de grottes ont été le territoire privilégié des hommes de la préhistoire pendant un million d'années... »

Le parc naturel régional du Verdon gère ce territoire depuis 1997 pour préserver l'environnement certes, mais aussi développer le tourisme. Le document de promotion du musée annonce que la grotte de la Baume Bonne, où se poursuivent des fouilles, sera accessible au public ainsi «qu'un village préhistorique reconstitué». Le musée de Quinson s'inscrit dans un réseau valorisant «l'identité profonde d'un pays préservé», avec les autres dimensions de la culture scientifique: l'observatoire de Haute-Provence à Saint-Michel, les trois musées de la réserve géologique, le musée ethnologique de Salagon, le musée d'Art et des Sciences de Digne-les-Bains pris en compte pour cette offre du tourisme culturel présentée par le conseil général du département des Alpes-de-Haute-Provence.

La volonté de mise en réseau s'inscrit dans une tendance générale. En Espagne, «le parc culturel» englobe sur un territoire donné un ensemble de sites, de musées ou de «paramuseos» (centres d'interprétation). Le Parque cultural del Rio Vero dans la province de Huesca, avec Alghero (Sardaigne) et la Catalogne (Espagne), associe cinq territoires de l'Europe méditerranéenne articulés dans le réseau Terra Incognita; cette initiative est soutenue par l'Union européenne dans «un environnement naturel exceptionnel» qui a pour but le développement économique et culturel de ce territoire rural.

L'association «parc-musée» est au cocur du nouveau musée archéologique de Neuchâtel à Hauterive-Champreveyres, au bord du lac de Neuchâtel. Nommé le Laténium par référence au site éponyme de La Tène, le nouveau musée se présente comme parc et musée d'archéologie. Là aussi, l'importance des sites est manifeste: «Le Laténium est situé au pied de la chaîne du Jura, le site de La Tène tout proche et celui de l'oppidum celtique du Mont-Vully en face, et au-delà, la chaîne des Alpes.»

 l'avenir le musée veut offrir aux visiteurs un regard sur les structures sublacustres, les célèbres pilotis, poteaux de bois, vestiges des anciennes habitations du Néolithique et de l'âge du bronze, bâties en bordure du lac. Un bâtiment de l'âge du bronze a été reconstruit, à proximité, dans le parc jouxtant le bâtiment du musée abritant les collections archéologiques.

Ce type de reconstitution de villages lacustres est une tradition ancienne en Suisse comme en Allemagne du Sud. Les premières découvertes ont été effectuées en 1854, en Suisse, avec une occupation du Néolithique, a l'âge du bronze jusqu'au IXe siècle avant J.-C., période d'abandon des sites. Les archéologues du XIXe siècle avaient imaginé des «cités lacustres» construites sur des plateformes, au milieu des eaux suivant l'hypothèse dite de Keller (Ferdinand Keller, 1800-1881) contredite par la suite par les investigations des chercheurs.

Pfahlbauland est une reconstitution de «cité lacustre» sur le lac de Zurich, en liaison avec le musée national d'Archéologie de Zurich. On retrouve un village équivalent sur le lac de Constance, à Unteruhldingen, l'un des plus anciens musées de plein air archéologiques allemands. Des maisons y ont été reconstituées de 1922 à 1940 suivant le résultat des fouilles effectuées de 1872 à 1930. Un nouveau musée a succédé en 1996 à celui de 1934, mais comme les plateformes avec maisons n'ont jamais pu exister, telles qu'elles avaient été reconstituées, un nouveau projet, celui «des maisons de Hornstaad», a vu le jour, avec cette fois des maisons reconstituées sur les rives du lac et sur la terre ferme, en tenant compte des interprétations les plus récentes.

Plus récent, le village lacustre de Gletterens aménagé sur le lac de Neuchâtel, conçu par l'atelier Archeor Estavayer-le-Lac, est géré par l'association romande des animateurs du village lacustre de Gletterens et l'association romande des animateurs en préhistoire. Des démonstrations de technologie ancienne, des ateliers de fabrication d'outils préhistoriques, la préparation et la dégustation de repas néolithiques s'ajoutent à la visite guidée du village lacustre.

En France, les parcs archéologiques en milieu lacustre n'appartiennent pas à une tradition analogue à celle de la Suisse ou de l'Allemagne du Sud. Il n'en existe pas de modèle, et le fiasco d'un projet d'aménagernent sur le lac de Chalain, dans le Jura, a été analysé par les archéologues Anne-Marie et Pierre Pétrequin (Pétrequin, 1999). L'échec de ce projet démontre les contradictions entre conservation, valorisation du patrimoine archéologique et des intérêts plus immédiats liés au développement du tourisme de masse et à ses enjeux économiques (le lac de Chalain est un haut lieu de séjour pour les loisirs de plein air, en été).


Anne-Marie et Pierre Pétrequin posent les questions soulevées par ce projet avorté:

-    Les sites de valorisation du patrimoine archéologique ne devraient-ils pas être installés en dehors des zones de protection des réserves archéologiques?

-    Les projets monumentaux, gros consommateurs de crédits, sont-ils toujours les plus pertinents?

-    Jusqu'où peut-on accepter l'exploitation de la recherche archéologique par le tourisme ou les intérêts privés?

Le projet du musée-parc du lac de Paladru dans l'Isère, en voie de réalisation à l'extrémité nord du lac, à Montferrat, pose des problèmes comparables et doit surmonter quelques contradictions. L'implantation d'un musée et de ses services, d'un parc de stationnement pour les visiteurs n'est pas sans risques pour un site naturel classé au titre de biotope protégé «avec accès restreint pour le public». Autour du musée lui-même, deux anciens villages, les Baigneurs, Colletière, seront reconstitués à l'identique.

Le parc archéologique, facteur d’identité

Tourné vers l'accueil des visiteurs extérieurs et conçu comme un facteur de développement touristique, le parc archéologique n'en participe pas moins au patrimoine local, régional, national, voire «intemational» (le «patrimoine mondial de l'humanité») pour les plus grands et les plus importants des sites.

La recherche des ancêtres, ascendants individuels et familiaux (généalogie) se double d'une recherche collective des ancêtres communs, liée à l'histoire du peuplement d'une région, au moyen -entre autres- de l'archéologie. «La quête de nos origines», explique le succès de la préhistoire.

En Lorraine, l'Archéosite de Mondelange, tout proche d'Hagon-dange, a été inauguré en 1999 sur un site d'archéologie funéraire, une nécropole, utilisée de l'âge du bronze jusqu'à la période gallo-romaine. La présence des vestiges celtiques y est remarquable, avec une tombe à char féminine du ve siècle avant J.-C. qui pose le problème du statut des femmes dans une société aristocratique, déjà fortement hiérarchisée. En Lorraine, pays sous influence «germanique», mais de culture «française», ces témoignages sur un peuplement d'origine celte peuvent contribuer au débat sur «les racines» d'une région à identité forte, en écho aux deux dernières guerres mondiales. Le maire de Mondelange, Paul Jaman, invite ses concitoyens à s'approprier le site mis en valeur par l'Archéosite: «Franchissez la porte, entrez l'esprit ouvert, je vous convie à découvrir cette page jusqu'alors ignorée de notre livre d'histoire.»

La découverte d'ancêtres celtes ouvre des perspectives d'une certaine relecture de l'histoire: «Comme moi vous avez pu être surpris d'apprendre que les Celtes peuplaient notre Lorraine. Cette civilisation encore mystérieuse était pourtant influente... »

Avec les Celtes, émerge «une Koinè», une communauté culturelle européenne, submergée par la conquête romaine, autre apport fondamental qui nous a laissé de nombreuses traces archéologiques bien visibles: ruines monumentales qui attestent la fondation de villes nouvelles, d'agglomérations, de sanctuaires qui s'inscrivent encare dans le paysage contemporain.

En Suisse, la ville «romaine» d’Augusta Raurica, dans le canton de Bâle-Campagne, a connu toutes les étapes possibles, depuis sa redécouverte à l'état de ruines, jusqu'au projet actuel de parc archéologique (centre d'archéologie et espace de loisirs). Avec le goût des ruines et «une ferveur pour l'antiquité dans les jardins romantiques», l'aménagement du site pour la visite marque la première étape, jusqu'à la fin du XXe siècle. A cette date, «la fréquentation des ruines se modifie fondamentalement: face aux exigences toujours plus grandes de communication, la ruine perd sa valeur d'objet d'exposition en tant que tel, et est de plus en plus considérée comme un cadre permettant de transmettre un contenu historico-culturel».

Après la contemplation muette, réservée à des élites, la généralisation d'une fréquentation du patrimoine nécessite un aménagement didactique conséquent: la ruine ne parle pas d'elle-même. Il s'ensuit la réalisation d'un musée de plein air, d'un musée romain. La maison romaine reconstituée ouvrit en 1955, image d'une villa idéale dont le donateur, René Clavel, est issu de la riche bourgeoisie bâloise. Amateur d'Antiquité, il admire Herculanum et Pompéi qu'il a visités. En 2000-2001 la villa est restaurée et décorée de motifs picturaux retrouvés depuis dans les fouilles de la ville.

Des fêtes romaines annuelles sont organisées «dans le cadre pittoresque des ruines», avec courses de chars, combats de gladiateurs -«Fascinants et effrayants à la fois, les gladiateurs se livrent au combat sans verser le sang»-, découvertes gastronomiques de la cuisine gallo-romaine, etc. Reconstitutions et archéologie expérimentale permettent au visiteur «d'effectuer un voyage dans le temps», suivant 1'expression consacrée, et «d'entrer dans la peau d'une Romaine où d'un Romain». Discours qui désigne le conquérant romain qui vient se substituer aux populations autochtones. Les barbares rauraques sont représentés «à pied» dans une peinture du XIXe siècle, de Karl Jauslin, tandis que le conquérant romain parade «à cheval», dans une posture plus valorisante.


On s'interroge, au fur et à mesure de l'avancée des fouilles, sur la date de fondation de la ville (Ier siècle après J.-C. probablement) et sur les modalités de cette rencontre «fusionnelle» entre barbares et conquérants romains: quelle histoire, pour quelle assimilation?

La visite des fouilles a été ouverte aux visiteurs en 1992. On peut aussi visiter un «parc aux animaux domestiques romains». On s'achemine ainsi vers un vaste complexe avec réserve archéologique de terrains. Le conseil d'État du canton de Bâle-Campagne a acquis 4,5 ha de terres agricoles en 1987 en vertu du principe qu'«acheter coûte moins cher que fouiller». En 1999, il achète de nouveau 1 ha sur un quartier menacé par un projet immobilier.

La création d'un parc archéologique qui est destiné à remplacer le musée de plein air de la ville antique, le nouveau centre d’archéologie et espace de loisirs dont l'inauguration est prévue pour 2007.

Ses concepteurs le désignent comme:

-    une centrale de recherches,

-    un temple des muses,

-    un monde d'expériences.

Le parc archéologique, vaste espace de loisirs ayant la ville romaine pour centre, doit être aménagé entre «autoroute et Rhin» (La Salina Raurica). Parc archéologique «dont le concept prend en compte les intérêts parfois opposés de l'archéologie, de l'aménagement du territoire, des activités commerciales des communes et de leurs habitants», il constitue suivant la formule consacrée «un pari sur l'avenir de cette région».

En Suisse, on parle des Romains à propos des acteurs de la romanisation du pays, en France, de Gallo-Romains pour caractériser l'assimilation des Gaulois par l'Empire romain.

Le projet d'un parc archéologique à Alésia, aux abords du village d'Alise-Sainte-Reine, s'attache à un site symbole de nos origines, à un événement fondateur de notre histoire nationale: le siège et la bataille de 52 avant J.-C. à l'issue desquels Vercingétorix, chef des coalisés gaulois, a été contraint de se rendre à Jules César. Scène grandiose immortalisée par la peinture d'histoire du XIXe siècle et l'imagerie populaire républicaine de la IIIe République, mais dont la réalité, mise en évidence par l'archéologie, est plus triviale.

Les fouilles de Michel Reddé, de 1991 à 1997, ont apporté des informations précises. Il s'agira donc de reconstituer les deux lignes de fortifications romaines (déjà évoquées a l'Archéodrome de Beaune) sur une centaine de mètres de long et quelques dizaines de large, pour montrer «à quoi ressemblait le champ de bataille» (M. Reddé). Un musée sera édifié dans ce haut lieu de notre histoire près de la statue de Vercingétorix. Proche du site de l'oppidum de cinq hectares doit s'ouvrir un centre d'interprétation prévu pour 2008. (Remarque: l'implantation de ce nouveau complexe n'obéit pas qu'à des motifs scientifiques, mais tient lieu, comme au XIXe siècle, d'une affirmation politique, non de la part de l'État cette fois-ci mais des collectivités territoriales).

Conclusion

Critiqués à leur apparition daos les années 1970 en raison d'une marchandisation de la préhistoire qu'on les soupçonne de promouvoir, dans l'univers de la culture jusqu'alors hostile à une logique économique et commerciale du patrimoine, les parcs archéologiques ont adopté des formes variées, soit en rupture, soit en continuité avec les musées et centres d'interprétation traditionnels. On leur a reproché également de préférer la reproduction à l'original, la reconstitution au vestige, ou à la ruine «authentique».

Ils ont réussi néanmoins à occuper une place significative dans la galaxie des parcs de loisirs et de divertissement, à dimension culturelle, pour la plupart d'entre eux, bien que l'absence de garantie -celle d'un label de qualité- empêche parfois de les différencier très clairement.

À l'origine, ils ont bénéficié d'un certain mimétisme culturel, suscité par l'essor des sciences humaines,


l'émergence des préoccupations éeologiques et d'une politique d'aménagement du territoire - avec la création des parcs naturels régionaux et des premiers éco-musées eux-mêmes issus des anciens musées de plein air.

Apparus dans ce eontexte favorable, les parcs archéologiques ne paraissent pas obéir à une forme quelconque de déterminisme ou d'évolutionnisme, leur généalogie serait plutôt différentielle qu'analogique. Leur essor obéit à d'autres évolutions propres aux musées qui ne répondent plus aux nouvelles exigences de la restitution archéologique, et à l'archéologie dont les pratiques changent avec la montée en puissance de l'archéologie préventive («l'archéologie de sauvetage») sur de longs «transects», à l'occasion des grands travaux (autoroutiers, du TGV, ou d'aménagement du territoire).

Les parcs archéologiques doivent intégrer de nouvelles formes d'archéologie, archéologie du territoire plus que des sites isolés, arehéologie du bâti, et des périodes historiques, et non plus seulement archéologie de la préhistoire. Ils s'intéressent au temps et a l'espace, dans une perspective diachronique très élargie: des temps géologiques à l'époque contemporaine -c'est une affaire «d'ère et d'aire» (Nivart, 2003)-, ainsi qu'à la nature et à la culture.

Leur territoire peut done englober une ou plusieurs régions, concerner plusieurs pays, plusieurs continents, voire la planète tout entière («centre mondial de l'art rupestre»).

Ils véhiculent des valeurs de modernité scientifique (méthodes de recherche, d'interprétation), de notoriété, d'identité individuelle et collective, de découverte et d'aventure. Très impliqués par la nécessité de reconstituer le passé, et de le faire revivre, ils n'hésitent pas à instrumen-taliser l'environnement naturel et le monde animal. Les reconstitutions sont ainsi rendues plus véridiques avec le concours indispensable de l'archéologie expérimentale qui permet de restituer non seulement le résultat mais le processus même de conception et de fabrication des outils, des habitats qui nous sont présentés avec un réalisme parfois brutal. Cette volonté de réalisme dans les reconstitutions s'oppose à la muséographie de l'objet, selon Georges-Henri Rivière, fondée sur la métonymie. Pour les écomusées, ce dernier se méfie de la présence humaine pourtant au cœur de l'institution, avec la participation de la population locale. «Pas de zoo humain», en écho aux exhibitions coloniales et postcoloniales des populations «indigènes». Pas de mannequins dans la muséologie selon G.-H. Rivière, mais seulement des silhouettes créées par les vêtements et les outils, des fantômes surgis à la manière des apparitions de l'Homme invisible, dans le célèbre film adapté d'après le roman d'Herbert George Wells.

À cet égard l'utilisation des mannequins hyperréalistes serait comme le retour du refoulé, une résurgence de la tradition des peintres du XIXe siècle (Cormon, Paul Jamin) ou des personnages de cire du musée Grévin.

Avec le retour de l'hyperréalisme de ces représentations corporelles omniprésentes à notre époque, où «l'art imite la vie dans toute sa brutalité avec la pornographie, le fantastique»... (Mandelbaum, 2003.) Nous serions à la fin d'une histoire: «Celle des relations antagonistes des images et des corps» (Belting, 2003), «le mannequin, pour finir, imitant l'homme, réitérant ses postures les plus ordinaires, devenu à son tour, comme l'édifie le mythe positif de Pinocchio, l'humain lui-même.» (Ardenne, 2001: 389). Cette exigence serait à mettre sur le compte de notre imaginaire, beaucoup plus fort que les données scientifiques de la paléoanthropologie (l'anthropologie populaire selon Stockowski). «L'effet de réel», comme l'appelait Roland Barthes, ne cherche que la conformité avec ce que nous croyons être le réel et il le cherche dans l'imagerie conventionnelle.

L'ambition scientifique de la reconstitution, malgré sa rigueur et son érudition, pourrait alors se révéler «un leurre».

Références bibliographiques

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Este artículo fue publicado en la revista Cultures & Musées No. 5, 2005, pp. 37-63. Reproducimos el texto con permiso de la dirección editorial de la revista citando la fuente. Jean-Bernard Roy est conservateur en chef du Patrimoine, chargé du musée départemental de Préhistoire d'Île-de-France à Nemours. Il consacre ses recherches à la muséologie, la muséographie, la médiation de l'archéologie ainsi qu'à la relation entre musées et recherche dans le domaine archéologique.

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Citer ce document / Cite this document: Roy Jean-Bernard. Les parcs archéologiques au risque du parc de divertissement. In: Culture & Musées. N° 5, 2005. pp. 37-63. doi: 10.3406/pumus.2005.1213 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1766-2923_2005_num_5_1_1213

Revista ENTORNOS. Vol. 26, núm. 2. Universidad Surcolombiana. Vicerrectoría de Investigación y Proyección Social, 2013, pp. 95-109