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Revista Jurídica Piélagus, Vol. 12, N° 1, pp. 85-99 - ISSN 1657-6799 – Enero – Diciembre de 2013 / 196 p. Neiva, Colombia

Juges constitutionnels et parlament. Analyse du cas du Portugal

Jueces constitucionales y parlamento. Análisis del caso de Portugal

Recibido: 22/04/13       Aprobado: 15/08/2013
Jorge Miranda
Doctor en Ciencias Jurídico Políticas
Professeur aux Facultés de droit de
Université de Lisbonne et de I’
Université Catholique Portugaise

ABSTRACT
Parlement et justice constitutionnelle. Parlement, organe fondé sur le suffrage universel et direct. Justice constitutionnelle, fonction à la charge d’un Tribunal constitutionnel ou d’un organe homologue ou, dans un système diffus, d’une pluralité de tribunaux. Parlement, expression de la démocratie. Justice constitutionnelle, expression de l’État de droit. Parlement et Tribunal constitutionnel, État de droit démocratique.

C’est à partir des relations nécessaires ainsi établies que vont être examinées les relations entre le Parlement et la justice constitutionnelle. Dans une première partie seront faites des considérations générales. Dans la seconde, troisième et quatrième partie il sera répondu aux questions posées le Travail.

KEY WORDS

RESUMEN
Parlamento y justicia constitucional. El parlamento como órgano fundado sobre el sufragio universal y directo. Justicia constitucional, función a cargo de un tribunal constitucional o de un órgano homólogo o, en un sistema difuso, de una pluralidad de tribunales. Parlamento, expresión de la democracia. Justicia constitucional, expresión del Estado de Derecho. Parlamento y tribunal constitucional, estado de derecho democrático.

Justice Constitutionnelle, democratie, Parlement portugais

Es a partir de las relaciones necesarias así establecidas que van a ser examinadas las relacionadas entre el parlamento y la justicia constitucional. En una primera parte serán hechas algunas consideraciones generales. En la segunda, tercera y cuarta parte, se responderán algunos cuestionamientos presentados en el problema de investigación.

PALABRAS CLAVE
Justicia Constitucional, democracia, Parlamento portugués.

1. DEMOCRATIE ET ÉTAT DE DROIT

1.1. Principe democratique et État de Droit

1.1.1. La démocratie et l’État de droit ne se confondent pas. Il y a eu des démocraties sans État de droit (la démocratie jacobine, la césariste, la soviétique et, plus loin dans le temps, I’athénienne). Et il y a eu des États de droits sans démocratie (d’une certaine façon, l’Allemagne au XIXe siecle).

Cependant la démocratie représentative postule l’État de droit. Elle le postule en vertu de la complexité de son organisation et de ses procédures, qui se traduit par la séparation des pouvoirs et le respect de la loi (l’État de droit formel). Et elle le postule en vertu de l’exigence de garantie des droits fondamentaux: le droit de suffrage et les autres droits politiques, s’ils valent de par eux-mêmes grâce à la valeur de la participation, valent surtout dans la mesure où ils sont mis au service de l’autonomie et de la réalisation des personnes (l’État de droit matériel).

Il ne suffit pas de proclamer le principe démocratique et de viser à ce que la volonté politique manifesteé par les organes de l’État et la volonté populaire exprimée par des élections coïncident. Il est nécessaire d’établir un cadre institutionnel àl ‹intérieur duquel cette volonté se forme en toute liberté et où chaque personne est assurée de la prévisibilité de l’avenir. Il est nécessaire que l’élément objectif et l’élément subjectif de la constitution ne soient pas incompatibles et, qu’au contraire, ils se développent simultanément.

Il existe une interaction de deux principes substantifs -celui de la souveraineté du peuple et celui des droits fondamentaux - et la médiatisation des principes adjectifs de constitutionnalité et de légalité. Dans une situation extrême de domination sans restrictions de la majorité, le principe démocratique pourrait porter à la violation du contenu essentiel de certains droits fondamentaux; tout comme le principe de liberté, s’il était poussé à la limite de ses corollaires, pourrait rejeter toute décision politique con cernant leur réglementation; l’équilibre s’obtient moyennant un effort de conjugaison, constamment renouvelé et mis à jour, de principes, valeurs et intérêts, ainsi qu’ à travers une articulation complexe entre organes politiques et juridictionnels, avec les gradations que l’on connaît.

A la lumière de ce concept, il est légitime de définir le constitutionnalisme comme étant la théorie selon laquelle la majorité doit être restreinte pour que soient protégés les droits individuels (Dworkin, 1978: 132). Mais non de définir ces derniers comme des atouts contre la majorité (Novais, 2006:17). Ni les droits fondamentaux peuvent être garantis et pleinement mis en oeuvre en dehors de la démocratie représentative, ni cette dernière se réalise si ce n’est moyennant l’exercice de droits fondamentaux. Et si des écarts ou des violations ont lieu, l’État de droit démocratique dispose de mécanismes de réponse adéquats - ceux du contrôle de constitutionnalité et de légalité.

Comme le souligne Jürgen Habermas, le principe démocratique et le principe de l’État de droit sont des prineipes co-originaires. L’un n’est pas possible sans l’autre, sans que, pour autant, ils s’imposent mutuellement des restrictions. Et cette intuition de «coorigine » peut s’exprimer en disant que l’autonomie privée et l’autonomie publique sont le postulat l’une de l’autre. Ce sont des notions interdépendantes et ayant une implication matérielle. Pour faire un usage approprié de leur autonomie publique, garantie par un droit politique, il faut que les citoyens soient suffisamment indépendants en vertu d’une autonomie privée également garantie à tous.

Dans ce sens, ce n’est que dans la mesure où, en tant que citoyens, ils feront un usage approprié de leur autonomie publique, que les membres de la société jouiront de façon égale -la liberté d’action subjective n’ayant pas pour tous la«même valeur»- d’une égale autonomie privée.

1.1.2. C’est en tant qu’État de droit dérnocratique que la Constitution définit la République portugaise [préambule et articles 2 et 9, alinéa b)]; et c’est ce régime politique (une notion qui dépasse la forme de gouvemement) qui est en vigueur au Portugal depuis 1976.

Le pouvoir politique appartient au peuple et est exercé conformément au principe de la majorité (articles 2, 3-1,10-1, 108,114-1, 187, etc), mais il est subordonné - matériellement et formellement - à la Constitution (articles 3-2, 108, 110-2,225- 3,266, 288, etc) avec, par conséquent, un contrôle juridique des actes du pouvoir (articles 3-3, 204,268-4,278 et ss.). Subordonné et, done, limité.

Les principes de l’Etat de droit démocratique se trouvent ensuite implicitement ou explicitement inscrits dans le texte de la Constitution: le principe de proportionnalité (articles 18-2, 19-4, etc.), le principe de la sécurité juridique (articles 18-3,32- 9, 102-3, 266-2,280-3,282-4), la protection juridictionnelle de la constitutionnalité (articles 204 et 277 et ss.) ; la protection juridictionnelle de la légalité administrative (articles 266-2 et 268- 4 et 5) et la responsabilité civile des institutions publiques pour les actes ou les omissions portant atteinte aux droits des particuliers (articles 22, 27- 5, 29-6 et 271-1).

1.2. Justice Constitutionnelle et principe democratique

1.2.1 En stricts termes juridiques, la légitimité du tribunal constitutionnel n’est ni plus, ni moins grande que celles des organes politiques : elle résulte de la Constitution. Et si cette Constitution est le fruit d’un pouvoir constituant démocratique, alors elle est forcément et naturellement une légitimité démocratique.

La perspective est différente quant il s’agit du plan substantif des relations inter- organiques, de l’acceptation de la part de la collectivité, de la légitimation par consentement. Comment justifier le pouvoir d’un tribunal constitutionnel (ou de tout organe homologue) de déclarer l’inconstitutionnalité d’une loi adoptée par le Parlement ou voté e par le peuple lui-même? Comment comprendre qu’il puisse finir par définir l’ordre juridique non seulement de façon négative (par ses décisions d’inconstitutionnalité), mais aussi positive (par ses autres décisions)? Comment concilier, dans la pratique, le contrôle juridictionnel concentré et le principe de constitutionnalité avec le principe de la souveraineté du peuple?

Or si la démocratie postule une majorité - avec les multiples interprétations et réélaborations philosophiques et théorétiques dont elle a fait l’objet (Miranda, 2007 : 92) - elle ne postule évidemment pas moins le respect des minorités et, de par ce fait ou en outre, le respect des droits fondamentaux. La règle de la majorité, critère de décision, ne se réduit pas à une simple convention, à un instrument technique ou à la présomption purement négative que personne ne compte plus qu’une autre ; elle est I’affirmation positive de l’égale dignité de tous les citoyens et la reconnaissance du fait que la volonté souveraine se forme dans le contradictoire et l’altcrnance (Miranda, J. 2007 : 85).

Ceci étant, le contrôle, même quand il a un caractere objectiviste, vise en dernier lieu à protéger les valeurs d’égalité et de liberté. Il les prend comme points de référence de base quand il porte sur les contenus des actes, sur l’inconstitutionnalité matérielle. Et il s’y réfère également lorsqu’il examine l’inconstitutionnalité organique ou formelle dans la mesure où il est impossible de concevoir une majorité sans que soient suivies les procédures définies par la Constitution. Et c’est uniquement quand il rejette ou qu’il enfreint l’une ou l’autre prétention de la majorité non considérée dans le contexte global du système, qu’il devient «contremajoritaire » (De Araujo & Magalàes, 2004).

1.2.2. Les cours constitutionnelles, dans la généralité des pays, ont une structure assez éloignée de la structure des autres tribunaux, avec des juges élus par les parlements et (ou) par les Présidents de la République, non lié s (ou sans une liaison obligatoire) aux carrières judiciaires (comme on le sait, il se passe quelque chose de semblable relativement aux tribunaux suprêmes dans le modèle«judicialiste» américain).

Cependant, on se demande comment un tribunal dont les juges sont désignés de cette façon peut juger les actes des autres organes précités; comment la créature peut elle contrôler le créateur?

Comment un tribunal ainsi composé peut-il ne pas reproduire la composition du Parlement ou l’orientation du Président? Voilà l’aporie du tribunal constitutionnel: s’il lui manque la source d’une désignation par des organes représentatifs, la légitimité lui fait défaut; s’il a cette désignation, on pourrait dire que l’exercice de sa compétence est dépourvu d’efficacité ou d’utilité.

Pourtant, ce n’et pas le cas. C’est justement parce que les juges constitutionnels sont choisis par des organes démocratiques légitimés -de façon cohérente, par tous ceux que la Constitution prévoit et qui correspondent au système de gouvemement qu’elle consacre- qu’ils peuvent invalider les actes ayant force de loi. C’est parce qu’ils ont, bien qu’indirectement, la même origine des titulaires d’organes politiques qu’ils réussissent à se faire respecter par ces derniers.

Les membres du tribunal constitutionnel ne deviennent pas les représentants des organes qui les élisent ou nomment, ils ne sont soumis à aucun lien représentatif. Bien au contraire, une foi désignés, ils sont complètement indépendants, jouissent des mêmes garanties et sont soumis aux mêmes incompatibilités que les juges des autres juridictions; pour garantir cette indépendance, leurs mandats ne coïncident pas avec ceux des titulaires de l’organe qui les désigne, ils sont plus longs et, par principe, ne sont pas susceptibles de renouvellement; quand ils sont élus par le parlement, la majorité qualifiée est exigée.

Dans un tribunal constitutionnel ou dans un organe homologue, divers courants juridiques et juridicopolitiques peuvent et doivent coexister; et même si, au sein de l’organe parlementaire, les partis s’immiscent dans les candidatures (car, qu’on le veuille ou non, la démocratie actuelle est une démocratie de partis ou avec des partis), les mentionnés courants vont s’atténuer et, apparemment, se diluer en vertu des facteurs objectifs de l’interprétation juridique et surtout du phénomène d’institutionnalisation, lequel va créer une dynamique et une autonomie de l’organe (Chevallier. 1994 :83).

C’est en cela que réside (nous insistons lá-dessus) la spécificité de la figure (ou, si on le préfère, son ambivalence): une légitimité du titre assimilable à celle des titulaires des organes de la fonction politique de l’État, une légitimité de l’exercice comparable á celle des juges des tribunaux communs.

1.3. Les juges constitutionnels au Portugal

1.3.1. Le Portugal a été le premier pays européen à inscrire expressément dans sa Constitution le principe de non-application de normes inconstitutionnelles par les tribunaux: ce fut à l’article 63 de la Constitution de 1911, le prédécesseur de l’actuel article 204 de la Constitution de 1976.

Il y a cent ans précisément qu’il existe, par conséquent, au Portugal, un système de contrôle judicore diffus, concret et incident bien que, dans la pratique, il n’ait fonctionné pleinement qu’au long des trente-cinq dernières années étant donné que seule la Constitution de 1976 est une vraie Constitution normative (au sens attribué à cet expression par Karl Loewenstein). Comme, en même temps, les dispositions concernant les droits et libertés sont directement applicables (article 18- 1), la conscience juridico-constitutionnelle générale a augmenté.

La Constitution de 1976 a aussi créé le controle abstrait, avec trois modalités: le contrôle préventif, le contrôle a posteriori de l’inconstitutionnalité par action et celui de l’inconstitutionnalité par omission. Le contrôle incombe, depuis 1982, à un Tribunal constitutionnel qui est, au demeurant, non seulement un tribunal de la constitutionnalité mais également un tribunal du contentieux électoral, du référendum, des partis et même, dans certains cas, du Parlement (Miranda, 2008 :137).

1.3.2. Par ailleurs, il n’existe pas de séparation entre les tribunaux en général et le Tribunal constitutionnel étant donné que ce dernier intervient dans le contrôle concret bien que dans un cadre différent de celui qui a été adopté dans la plupart des autres États et que le passage du contrôle concret au contrôle abstrait y est prévu.

En effet, à l’inverse de ce qui se passe dans la généralité des pays dotés d’un Tribunal constitutionnel ou d’un organe homologue (dans lesquels, lorsque l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée devant un quelconque tribunal à l’occasion d’un litige et que celui-ci a vérifié sa pertinence, la question est déférée, séparément, devant le Tribunal constitutionnel pour qu’il tranche), au Portugal tous les tribunaux, y compris les juges de paix et les tribunaux arbitraux, sont compétents pour connaitre de la question et décider.

Au lieu du renvoi préjudiciel, ce qui est établi c’est la possibilité ou la nécessité d’une saisine postérieure du Tribunal constitutionnel, dans les trois hypothése suivantes: 1°) quand le tribunal qui juge le litige n’applique pas une norme en se fondant sur sa non conformité avec la Constitution; 2°) quand, au contraire, l’exception d’inconstitutionnalité ayant été soulevée, le Tribunal ne l’accueille pas et applique la norme; 3°) quand un tribunal applique une norme qui a été, précédernment, déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal constitutionnel.

Également, à I’inverse de ce qui est le cas pour beaucoup de pays, dans le cadre du contrôle concret le Tribunal constitutionnel se borne à trancher la question pour le cas concret et non erga omnes ; toutefois, s’il a déclaré au moins trois fois, une certaine norme inconstitutionnelle, le chemin est ouvert pour que soit déclenchée, sur l’initiative de l’un de ses juges ou du Ministère public, une procédure de contrôle abstrait visant à une déclaration d’inconstitutionnalité avec force obligatoire générale (article 281-3).

1.3.3. Conformément aux articles 204 et 277 et suivants de la Constitution, le jugement d’inconstitutionnalité est un jugement sur les normes - aussi bien des normes législatives que toute autre norme figurant dans un acte juridique public (actes émanant de l’État, des régions autonomes et d’autres organismes publícs).1

Il va de soi que les normes du règlernent de l’Assemblée de la République sont soumises au contrôle de constitutionnalité. Le Tribunal constitutionnel I’a reconnu en déclarant que ce réglement comprend des normes très variés es qui ont des implications directes sur les pouvoirs et les droits des députés, des groupes parlementaires et des partis, des pouvoirs et des droits qui sont expressément inscrits dans la Constitution; et il serait, par conséquent, absurde que des normes qui pourraient contrarier lesdits pouvoirs et droits ne fussent pas justiciables.2

1.3.4. Face au droit portugais sont, par conséquent, des juges constitutionnels aussi bien les juges de tous les tribunaux, lesquels sont co-responsables de la protection de la Constitution, que les juges du Tribunal constitutionnel. En vertu du contrôle par voie d’exception, le mot initial revient aux prerniers, mais le dernier mot et le mot décisif revient au Tribunal constitutionnel - un tribunal qui est done supérieur à tous les tribunaux suprêmes,

Par voie de conséquence, dans ce rapport, il sera exclusivement question des juges du Tribunal constitutionnel.

2. CADRE INSTITUTIONNEL DES RELATIONS ENTRE LES PARLEMENTS ET LES TRIBUNAUX CONSTITUTIONNELS

1. a) Le Portugal est un État unitaire, avec deux régions autonomes -Ies archipels des Azores et de Madère; cest un État unitaire régional partiel.

Cette forme d’État n’exerce aucune influence sur les relations entre le Parlement et le Tribunal eonstitutionnel. Les citoyens des Azores et de Madère participent, sur un pied d’égalité, avec ceux du reste du pays á l’élection du Parlement. Les normes émanées des organes des régions sont soumis au contrôle de constitutionnalité dans les mêmes conditions que’ toute autre disposition de l’ordonnancement juridique portugais [articles 204,280et 281-1, alinéa a)].

Par contre, le contrôle de la conformité des normes émanant des organes régionaux ou nationaux avec les statuts des régions (qui sont proposés par les Assemblées législatives régionales et voté s par le Parlement national), ainsi que les pouvoirs d’initiative en matière de controle de l’inconstitutionnalité d’organes régionaux pour violation des droits des régions autonomes [articles 281-2 alinéa g) et 283-1] se situe sur un autre plan.

b) Le Parlement portugais, appelé «Assemblée de la République», a une seule chambre et il est élu selon le principe de la représentation proportionnelle.

Cette structure n’exerce aucune influence sur les relations avec le Tribunal constitutionnel.

2. a) Le Tribunal constitutionnel est composé de 13 juges, 10 desquels sont élus par le Parlement á la majorité des deux tiers des députés présents, dès lors que ce nombre est supérieur á la majorité absolue des députés effectivement en fonction, et 3 sont co-optés par les 10 premiers [articles 222-1 et 163 alinéa h) de la Constitution].

Six des juges désignés par l’Assemblée de la République ou cooptés sont obligatoirement choisis d’entre les juges des autres tribunaux et les restants d’entre des juristes (article 222-2) ; des juges des autres juridictions et non pas, nécessairement, des tribunaux supérieurs des deux ordres de juridiction (civile et pénale et administrative et fiscale).

Le mandat des juges est de neuf ans et il ri’est pas renouvelable (article 222-2). Le président est élu par les juges qui composent le Tribunal (article 222-4).

À partir de la révision constitutionnelle de 1997, pour garantir la continuité du Tribunal, il y a renouvellement de la moitié des juges de quatre ans et demi en quatre ans et demi.

Dans la pratique, en vertu d’un accord non écrit entre les deux principaux partis politiques (le Parti socialdémocratique et le Parti socialiste), chacun de ces partis propose cinq candidats qui seront élus par le Parlement mais I’ autre parti a le droit de ne pas les accepter, ce qui oblige à une complexe négociation avant d’aboutir à un accord (De Araujo & Magalàes, 1998). Et il y aussi altemance du président parmi les juges présentés par l’un ou l’autre parti au bout de chaque période de quatre ans et demi.

2.2. L’élection parlementaire résulte de ce qui a été dit plus haut au sujet de la légitimation démocratique du Tribunal. Et la majorité qualifiée exigée pour l’élection, à l’instar de ce qui se passe dans presque tous les pays ayant un organe homologue, rend plus aisé un consensus élargi et le choix de personnes plus en syntonie avec les notions de droit de «l’arc constitutionnel» ou, autrement dit, du centre politique. Tout comme il est aisé de comprendre que, pour garantir l’indépendance du Tribunal, le mandat soit long (plus du double de la durée de la législature) et qu’il ne puisse pas être renouvelé, en aucune circonstance.

Ce qui est moins logique c’est que des deux organes politiques de gouvernement fondés sur le suffrage universel et direct - le Président de la République et le Parlement - un seul soit appelé à intervenir dans la désignation des juges constitutionnels et que soit réservée au Président de la République, conformément à la loi organique du Tribunal, uniquement la charge d’investir les juges (article 20). Ici, le manquement au principe démocratique, tout comme l’éloignement vis-à-vis du système de gouvernement semiprésidentiel inscrit à la Constitution, sont évidents. Et, par ailleurs, les courants juridico-politiques qui sont présents dans la société ne s’épuisent pas dans les deux grands partis.

Mérite d’être critiqué le fait que l’élection se fasse sur une liste complète correspondant au nombre total des juges à élire et non que chaque juge soit élu séparément - ce qui va diminuer la liberté de choix des députés au bénéfice des directoires des partis.

Un autre grave défaut consiste dans la soumission au vote du Parlement d’au moins trois des juges de carrière (identifiés comme juges des autres tribunaux), Par cette voie une brèche est ouverte dans le principe de l’impartialité et de la neutralité de la magistrature à l’égard des partis politiques puisque si un juge accepte d’être proposé par le parti A et un autre par le parti B, cela signifie qu’ils se déclarent, de façon explicite ou implicitement comme étant proches des mentionnés partís.3

2.3. Ces remarques ne doivent pas être prises pour une vision négative de la place que le Tribunal constitutionnel a effectivement occupée dans la vie du Portugal depuis 1983. Mon opinion est largement positive, sans préjudice de nombreux désaccords relativement à plusieurs de ses décisions.

Même dans le cadre du contrôle a priori (de par la nature des choses, pourrait-on ajouter), si dans quelques-uns des arrêts on a pu entrevoir des connotations partisanes, dans la plupart des cas les majorités favorables à la déclaration de conformité ou de non-conformité ont été plus larges que celles qui traduiraient simplement l’origine des désignations par le Parlement. La fonction institutionnelle du juge a prévalu.

2. b) L’organisation, le fonctionnement et la procédure du Tribunal constitutionnel font partie des matières du domaine réservé exclusivement à la loi [article 164 alinéa c) de la Constitution], n’étant, par conséquent, admise aucune possibilité de loi d’habilitation du Gouvernement.

La loi qui statue sur ces matières rentre dans la catégorie des lois organiques (une expression héritée du droit français pour désigner des lois considérées comme mettant immédiatement en oeuvre la Constitution ou qui sont politiquement plus importantes).

Et ces lois (article 166-2) ont un régime spécifique qui se caractérise par: adoption de la loi, lors du vote final sur l’ensemble, à la majorité absolue des députés effectivement en fonction (article 168- 5); en cas de veto du Président de la République, exigence, pour que la loi soit confirmée par le Parlement, du vote de deux-tiers des députés dès lors que ce nombre est supérieur à la majorité absolue des députés effectivement en fonctions (article 136-3); et par la soumission au contrôle a priori par le Tribunal constitutionnel sur l’initiative non seulement du Président de la République mais aussi du Premier ministre ou d’un cinquième des députés effectivement en fonction (article 278-4).4

2. c) Outre l’initiative que nous venons de mentionner, dans le cadre du contrôle a posteriori abstrait de l’inconstitutionnalité par action, un dixième des députés a l’Assemblée de la République peut demander l’examen de toute norme juridique et la déclaration de non-conformité avec force obligatoire générale.

Dans la pratique, les saisines ayant leur origine à l’intérieur du Parlement ont été peu nombreuses et elles se sont limitées à quelques lois plus controversées.

3. a) La Constitution n’autonomise pas proprement une fonction de contrôle de la division des pouvoirs entre l’État et les régions autonomes. Cependant, le contrôle de constitutionalité et de légalité mentionné plus haut [en 1 a)], qui s’exerce aussi bien sur les normes émises par les organes de l’État -les organes de souveraineté-, que sur celles qui émanent des organes des régions -les organes de l’autonomie-, joue ce rôle.

Il existe une jurisprudence assez abondante sur cette question.5

b) Non seulement les normes du réglement de l’Assemblée de la République sont susceptibles de contrôle comme nous l’avons indiqué cidessus, mais, de surcroît, la Constitution attribue au Tribunal constitutionnel la compétence pour juger, à la demande de députés, les recours concernant la perte de mandat et les élections à l’Assemblée de la République et aux Assemblées législatives régionales [article 223-2 alinéa g)]. Il s’agit d’un progrés dans le sens du renfort de l’État de droit étant donné ce que cela signifie en matiére de soumission au contrôle judiciaire d’ actes politiques qui peuvent affecter les garanties démocratiques du Parlement. La procédure en est fixée dans la loi organique du tribunal (articles 91-A et 102-D).

La doctrine concernant les vices des actes internes du Parlement «interna corporis acta» est en crise en vertu des exigences de l‘État de droit.

3. CADRE SUBSTANTIEL DES RELATIONS ENTRE LES PARLEMENTS ET LES TRIBUNAUX CONSTITUTIONNELS

3.1. Le législateur -c’est-à-dire la loi- occupe naturellement la place principale dans la production des lois. Les reglements (de I’Etat, des régions autonomes, des municipalités et des autres organismes publics) se situent sur un plan secondaire et sont soumis au contrôle de constitutionnalité uniquement dans les cas où ils violent directement la Constitution.6

Cependant cette place n’est plus aussi déterminante aujourd’hui qu’elle ne l’était en d’autres temps en vertu de l’insertion automatique dans l’ordre interne des normes de droit intemational conventionnel et de droit de l’Union européenne (article 8 de la Constitution), notamment des normes de l’Union européenne, lesquelles vont occuper de plus en plus les secteurs du droit économique, du droit de l’environnement, du droit du consommateur, etc.

3.2.1. Le juge constitutionnel n’émet pas des normes, il n’est pas I’un des «acteurs» de la production des lois. Cependant, il peut contribuer indirectement à cette production par le biais de l’impact que ses décisions ont sur le législateur et qui le porte à élaborer de nouvelles normes qui vont remplacer celles ayant été déclarées non conformes ou celles ayant fait l’objet de décisions interprétatives, limitatives et additives.

3.2.2. En premier lieu, la déclaration d’inconstitutionnalité ayant force obligatoire générale (article 282) implique que :

  1. Les organes adminístratifs,7 les tribunaux en général et le Tribunal constitutionnel lui-même ne peuvent dorénavant plus appliquer la norme en question;8
  2. Les particuliers ne peuvent dorénavant plus invoquer cette norme dans les relations entre eux ou devant les pouvoirs publics;9
  3. Quand l’inconstitutionnalité est matérielle, l’organe auteur de la norme ne peut l’émettre à nouveau sans que la norme constitutionnelle paramètre soit auparavant modifiée;
  4. Lorsque l’inconstitutionnalité est organique ou formelle,10 l’organe auteur de la norme n’est pas à même de l’émettre a nouveau sans avoir auparavant écarté les vices dont est frappé l’acte qui l’a générée;
  5. En particulier, le législateur ne peut pas valider, par la voie législative, des actes pratiqués l’ombre d’une loi inconstitutionnelle;
  6. Le législateur peut, suite à la révision de la Constitution, émettre une loi égale a celle qui avait été déclarée inconstitutionnelle; toutefois, il ne peut pas lui attribuer une efficacité rétroactive pour le même motif - la valeur ou la primauté de la Constitution - étant donné qu’une révision de la Constitution ne vient pas valider une loi contraire a une norme qu’elle a révoquée (Miranda, 2007 :328-3299).

3.2.3 Quoi qu’il en soit, la force obligatoire générale ne contrarie pas la nature juridictionnelle de la décision. C’est quelque chose d’inhérent à la décision, et non pas quelque chose qui vient s’y ajouter, une greffe ou un accessoire.

Le Tribunal, à l’instar de tout autre tribunal, tranche une question juridique -la conformité d’une norme avec la constitution ou la loi- à la lumiére de la norme applicable, qui est la norme constitutionnelle ou légale. Nonobstant les répercussions ou connexions politiques de ses décisions, il ne définit pas I’intérêt public (ou un intérét public primaire), et il ne le poursuit pas, comme le font les organes ayant une fonction politique; il ne fait même pas une interprétation authentique de la Constitution.

C’est pourquoi il est affirmé que l’annulation d’une norme au motif qu’elle viole une autre ne se confond pas avec sa révocation: cette dernière est un acte de décision - un choix isolé (c’est un acte d’opportunité); tandis que l’annulation est, en principe, un acte lié aux normes, c’est un jugement normatif stricr (Castanheira, 1983 :612-613). Et que I’arrêt ayant force obligatoire générale apparaît dans le cadre de l’exercice de la juridiction, entendue dans son sens propre et substantiel.11 Et que le Tribunal constitutionnel est un contrôleur de normes et non un co-producteur de nonnes juridiques (Gomes, 1987: 353).

Plus précisément:

  1. a) Le Tribunal constitutionnel ne prend jamais l’initiative de la déclaration d’inconstitutionnalité ou d’illégalité, il est toujours astreint à une initiative extérieure, au principe de la saisine;
  2. Une fois saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution ou à la loi d’un acte ou d’une norme, le Tribunal est obligatoirement tenu de décider;
  3. Le Tribunal ne peut pas interpréter, modifier, suspendre ou révoquer la décision qu’il viendra à rendre;12
  4. Étant donné qu’il revient également au Tribunal constitutionnel de connaître des recours dans le cadre du contrôle concret, il devra juger tous les recours pendants relatifs a la même question d’inconstitutionnalité en conformité avec la première déclaration (Gomes, 2004 :1012).
  5. S’il devait arriver qu’un tribunal applique la norme jugée inconstitutionnelle et que le Tribunal constitutionnel soit appelé à intervenir, il ne pourra pas revenir sur sa décision, mais uniquement ordonner que celle-ci soit appliquée.

3.2.4. En second lieu, dans le cadre du contrôle concret, le Tribunal constitutionnel peut prononcer des jugements interprétatifs ayant trois contenus possibles:

Dans les cas où la déclaration de conformité à la Constitution ou à la loi de la norme que la décision recourue a appliquée ou refusé d’appliquer se fonde sur une certaine ínterprétation de cette même norme, cette dernière devra être appliquée dans l’affaire en cours dans la précitée interprétation (article 80-3 de la loi organique).

Et le Tribunal Iui-même soutient, dans l’un de ses arréts, qu’étant donné qu’il fonctionne comme dernière instance de recours en matière de constitutionnalité des lois, il ne peut être amputé de certains de ses pouvoirs cognitifs par un jugement antérieur n’ayant pas encore acquis force de chose jugée, rendu dans le cadre de l’affaire conernée par le recours. Cela équivaudrait à lui nier sa finalité de garant de la Constitution dans le cadre du contrôle concret, lequel se traduit, précisément, par la décision de conformité ou de non-conformité à la Constitution des normes dont l’application ou le refus d’application a lieu devant une autre juridiction. Les pouvoirs cognitifs sont tenus d’assumer un maximum d’ampleur.13

3.2.5. La limitation des effets de l’inconstitutionnalité ou plutôt la limitation de l’inconstitutionnalité ellemême résulte du fait qu’il convient de tempérer la rigueur des décisions en les adaptant aux situations de la vie au nom d’autres principes et intérêts protégés par la Constitution (Gomes, 2003).

Cela implique, par conséquent, une tâche d’harmonisation et de concordance pratique. Et (même si, au premier abord, cela semble paradoxal) elle finit par servir d’instrument de garantie car, si elle ne s’avérait pas, les organes de contrôle pourraient, pour éviter des conséquences trop lourdes, ne pas conclure à l’inconstitutionnalité.

Comme l’écrit Baehof, les tribunaux constitutionnels se considèrent non seulement autorisés mais même obligés de peser leurs décisions, de tenir compte des conséquences possibles de ces dernières. C’est ainsi qu’ils vérifient si un résultat possible de leur décision ne finirait pas par être manifestement injuste ou n’entrainerait pas un dommage pour le bien public ou n’irait pas porter atteinte à des intérêts de citoyens individuels dignes de protection. Ceci ne peut évidemment pas être interprété comme signifiant que les tribunaux partent du résultat présumé de leur jugement passant outre la Constitution et la loi en vue d’atteindre un résultat souhaité. Mais la vérité c’est qu’un résultat injuste ou, pour un quelconque motif, douteux, est aussi, règle générale - bien qu’avec des exceptions -, un résultat erroné du point de vue juridique.14

En droit portugais, l’article 282-4 dispose que, lorsque l’exigent la sécurité juridique, des motifs d’équité ou un intérêt public exceptionnellement important et qui doit être motivé, le Tribunal constitutionnel peut stipuler que les effets de l’inconstitutionnalité ou de l’illégalité auront une portée plus restrictive que celle qui est prévue en général.

3.2.6. Dans les décisions dites additives (ou encore modificatives ou manipulatives), l’inconstitutionnalité constatée ne conceme pas tant ce que la norme établit mais plutôt ce qu’elle n’établit pas ; ou, autrement dit, l’inconstitutionnalité est dans la norme dans la mesure où celle-ci ne contient pas tout ce qu’elle devrait contenir pour répondre aux impératifs de la Constitution. Et, alors, l’organe de contrôle ajoute (et, en ajoutant, il modifie) l’élément manquant.

Une loi, quand elle attribue un droit ou un avantage (par exemple une pension) ou quand elle astreint à un devoir ou à une charge (par exemple une incompatibilité), vise une certaine catégorie de personnes mais elle ne prévoit pas toutes celles qui se trouvent dans la même situation et ne tient pas compte de distinctions infondées. Du coup, que faire? Éliminer les préceptes qui violent, soit qualitativement, soit quantitativement, le principe d’égalité? Ou bien, à l’inverse, rétablir l’égalité en invoquant les valeurs et les intérêts constitutionnels qui se projettent dans les précitées situations? Ce sont plus particulièrement les décisions qui optent pour le second terme de l’altemative qui sont des décisions additives.

Dans les décisions dites réductives ou d’inconstitutionnalité partielle, il existe un segment de la norme qui est abandonné pour que celle-ci soit sauvée. Dans les décisions additives il existe un segment ou une norme qui est ajouté dans le même but. Et, ici, se révèle, à son tour, quelque chose de commun avec les décisions limitatives et, en quelque sorte, également avec les décisions interprétatives: elles présupposent toutes un système de contrôle qui, loin de se refermer sur soi, se montre inséré dans le contexte global de la Constitution et reconnaît, par conséquent, aux organes de celle-ci un rôle actif dans la réalisation des principes constitutionnels.

Distinctes des décisions additives sont les décisions intégratives, moyennant lesquelles une loi donnée (comprenant des préceptes insuffisants et, dans cette mesure, éventuellement inconstitutionnels) est interprétée et complétée par des dispositions de la Constitution concernant cet objet qui lui sont applicables et parce qu’elles sont directement applicables.

Ce qui les distingue c’est que l’organe du contrôle, dans les décisions additives, pose une règle de façon implicite ou indirectement; par contre, dans les décisions intégratives, il va se fonder directement sur une règle de la Constitution.

Á l’instar de ce qui arrive en d’autres pays (avec des nuances différentes), le Tribunal constitutionnel portugais a, lui aussi, rendu plusieurs décisions additives très intéressantes, nées de la dynamique même de son activité.15 Elles n’en sont pas moins jugées problématiques par certains autcurs (Miranda, 2008).

3.2.7 Finalement, il revient au Tribunal constitutionnel -saisi par le Président de la République, le médiateur de la République (l’ombudsman) et, au motif de violation des droits des régions autonomes, les présidents des Assemblées législatives régionalesd’examiner et de vérifier la non application de la Constitution par omission des mesures législatives nécessaires pour que ses dispositions entrent en vigueur (article 283-1).

Voilà en quoi consiste le contrôle de I’inconstitutionnalité par omission, I’une des singularités de la Constitution portugaise lorsque celle ci fut adopté en 1976 et qui serait ensuite reprise dans d’autres pays,16 Et les dispositions constitutionnelles qui ne sont pas applicables directement sont celles qui ont besoin d’un complément législatif pour aménager les diverses situations de la vie, comme le sont en général les dispositions concernant les droits sociaux et l’organisation économique, ainsi que quelquesunes portant sur l’organisation politique.

Cependant, même dans ces cas, le Tribunal ne légifère pas car il lui manque la légitimité démocratique pour le faire. Il se borne â constater I’existence ou non d’une omission et, si cela s’avère nécessaire, à en donner connaissance à l’organe législatif.

Jusqu’à présent, les saisines en vue de cette modalité de contrôle ont été peu nombreuses (moins de dix) mais dans tous les cas le Parlement a fini par légiférer, corrigeant ainsi son mertie (Miranda, 2008 :305).

3.3. a) La réponse est donnée au paragraphe II-2. Et, en outre, s’applique ici le principe de séparation des pouvoirs de l’Etat (articles 2 et 111 de la Constitution).

b) Les décisions du Tribunal constitutionnel sont généralement bien acceptées dans les milieux parlementaires et par l’opinion publique. C’est seulement quand elles portent sur des lois qui ont causé de sérieuses divisions qu’on leur accorde une place plus visible dans les débats politiques.

c) La jurisprudence du Tribunal est presque toujours tenue en compte lorsque le Parlement débat à nouveau les matiéres qui ont fait l’objet d’une décision d’inconstitutionnalité.

Quoi qu’il en soit, quand une loi est proposée, le Président peut, conformément au réglement de l’Assemblée, la rejeter en invoquant son inconstitutionnalité quoiqu’un recours devant l’assemblée plénière (où la majorité prévaudra) soit toujours possible.

d) Dans un État de droit démocratique l’on ne peut pas vraiment parler de conflit entre le Parlement et le Tribunal constitutionnel.

Il existe une seule hypothèse imaginable, à savoir que le Parlement, dans le cadre du contrôle a priori de constitutionnalité, face a une décision du Tribunal constitutionnel, ne supprime pas la norme ou les normes déclarées inconstitutionnelles et ne reformule pas la loi, mais plutôt qu’il la confirme à une majorité des deux-tiers des députés présents, sous réserve qu’elle soit supérieure à la majorité absolue des députés effectivement en fonction; et, alors, le Président de la République peut, il n’est pas obligé (comme c’est le cas après un veto politique), promulguer la loi (article 279-2). Cependant, s’il la promulgue - ce qui ne s’est jamais avéré jusqu’ à ce jour - rien u’empêche les tribunaux, dans le cadre du controle concret, de ne pas appliquer la ou les normes en question, ni le Tribunal constitutionnel de les déclarer inconstitutionnelles avec force obligatoire générale (Miranda, 2008 :269).

Ceci signifie qu’ici aussi la parole définitive, sauf révision constitutionnelle, est prononcée par le Tribunal.

4. LES RELATIONS ENTRE LES ACTEURS: TÉMOINS ET DÉBATS

1.a),i) Juridiquement, le parlement est un organe souverain, libre de décider des options politiques et de les exprimer au travers de textes législatifs. Et la Constitution dit que les députés exercent librement leur mandat.

Politiquement, avec les démocraties modemes transformées en démocraties représentatives de partis (ou en États de partis), le vote des parlementaires est conditionné par les dirigeants de ces partis. La discipline de vote dans des questions dont dépend le maintien du gouvemement et dans les questions politiques plus importantes est compréhensible ; à part cela, la liberté des députés devrait être préservée ou, du moins, la consigne de vote devrait venir uniquement des groupes parlementaires et non de l’extérieur du parlement.

ii) Non, il n’est pas un organe technique, ce qui n’empêche pas que ses commissions disposent de l’appui de personnel technique et d’experts (V. l’article 181 de la Constitution).

iii) Il n’est pas un organe mixte. C’est un organe politique quoiqu’il doit chercher à élaborer les lois en utilisant une bonne technique législative. Mas la légistique ou science de la législation ne peut pas laisser indifférents les parlementaires et il devrait y avoir un centre d’études sur la matière auprès de chaque parlement.

b) i) Le juge constitutionnel est le gardien du respect de la Constitution par le législateur. Il n’est pas le seul: le Président de la République, lui aussi, qui peut demander au Tribunal constitutionnel le contrôle a priori de la constitutionnalité des lois (article 278). Et le contrôle a posteriori est également susceptible d’être demandé par le président du Parlement, par le premier ministre, par le médiateur (ombudsman) et par un dixième des députés (article 281-1).

Par ailleurs, les citoyens jouissent du droit de pétition pour la défense de la Constitution (article 52-1) et du droit de résistance contre les ordres contraires aux droits et libertés (article 21) et contre des impôts qui violent la constitution (article 103- 3).

ii) L’essentiel c’est que les réforrnes législatives à mettre en ceuvre respectent à chaque instant les dispositions constitutionnelles, bien que celles-ci, dans les domaines économiques et sociaux, doivent être relativement ouvertes, tout en préservant leurs contenus essentiels, pour permettre l’altemance démocratique.

Les décisions du Tribunal constitutionnel sont motivées juridiquement. Les aspects politiques ou sociologiques et économiques des questions dont il est appelé à s’occuper ne peuvent être pris en compte que dans l’interprétation que leur donne la Constitution (qui n’est pas exactement la même du Code civil).

iii) Bien que ce ne soit pas là sa fonction, la jurisprudence constitutionnelle a contribué au long des ans à l’amélioratíon de la qualité de bien des lois.

2. J’ai été député de l’Assemblée constituante portugaise en 1975-76 et, encore, à deux autres reprises, pendant de courtes périodes, en 1976 et en 1980-82 (lors de la première révision de la Constitution), député de l’Assemblée de la République. Et entre 1976 et 1980 j’ai appartenu à la Commission constitutionnelle, l’organe qui a précédé le Tribunal constitutionnel. J’ai donc vécu, encore assez jeune, la double expérience du législateur et du juge constitutionnel.

  1. Oui, il existe une différence dans la perception des lois par le juge constitutionnel selonqu ‹il a été ou non parlementaire.
  2. Et cela porte, évidemment, a une certaine différence dans son entendement des effets concrets des décisions.
    Quoi qu’il en soit, la Constitution portugaise a une clause de sauvegarde concernant les décisions d’inconstitutionnalité: c’est l’article 282-4 précité.
  3. Les contraintes parlementaires doivent toujours être étrangères à la décision.

3.a) Il se peut qu’un parlementaire juge que la contestation d’une norme qu’il a votée est une question politique. Un juge constitutionnel ne peut y voir qu’une question juridique.

b) Le contrôle de constitutionnalité n’a pas pour but d’écarter ou de ne pas écarter l’une ou l’autre possibilité législative visée par la majorité parlementaire. Il a uniquement pour objet de constater s’il existe éventuellement une contradiction entre une certaine norme ou une certaine interprétation d’un précepte et le texte fondamental. Quant au reste, la voie est libre pour le législateur.

c) La décision d’inconstitutionnalité s’impose au Parlement mais elle peut lui offrir une occasion de perfectionner son travail à la lumière de la Constitution.

4.a) Comme il a été mentionné plus haut (III, 1.2.2), la déclaration d’inconstitutionnalité ayant force obligatoire générale lie le législateur.

b) Le Parlement ne peut pas adopter une nouvelle fois la norme, des lors qu’elle aura été déclarée inconstitutionnelle, car une norme inconstitutionnelle est invalide, nulle (article 3-3 de la Constitution).

c) Le Parlement jouit toujours, cela va de soi, de la plus complète liberté pour débattre à nouveau tous les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels liés à une norme déclarée inconstitutionnelle afín d’édicter une autre qui soit susceptible de ne pas subir le même sort de la première. Ce qu’il ne pourra ne jamais faire c’est de la reformuler de telle sorte que la solution de fond qui a fait l’objet de la censure du Tribunal constitutionnel ne soit pas supprimée.

BIBLIOGRAPHIC REFERENCES